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Tamsui, et il a fallu se résigner à bloquer les côtes de Formose. Ce blocus, extrêmement pénible dans cette saison, se ferait bien mieux avec de petites canonnières croisant rapidement au large et pouvant se réfugier, quand la tempête serait trop forte, dans la première baie venue, que par des cuirassés. Mais qui sait si, avec des forces navales organisées comme nous l’avons indiqué, Tamsui n’eût pas été pris immédiatement ? N’est-il pas à croire que, dès les premiers jours, les canonnières dont nous avons signalé les qualités précieuses et qu’en tous cas les torpilleurs de défense auraient franchi la barre qui arrêtait les cuirassés et les croiseurs, et que, remontant la rivière, ils auraient occupé sans coup férir une ville dont le nom rappelle un échec pour les mêmes hommes, pour les mêmes marins qui n’y ont pourtant pas moins déployé de vaillance et d’héroïsme qu’à Son-Tay ou à Fou-Tchéou ?

Nous croyons avoir répondu à toutes les objections qui ont été faites ou qui peuvent être faites aux nouveaux engins de combat que nous proposons pour la guerre maritime. Il nous resterait à démontrer encore combien ils sont plus économiques, moins coûteux que la flotte actuelle. Mais cela nous conduirait trop loin. Nous ne prendrons qu’un exemple. Notre escadre d’évolutions, l’arme de combat préparée pour les grandes luttes sur mer, qui constitue le noyau et la partie essentielle de notre force navale, se compose généralement de six cuirassés ; mettons que ces cuirassés soient en moyenne de 15 millions chacun : cela fait, au total, 90 millions ; mettons leur équipage à 650 hommes, cela fait, au total, 3,900 hommes. Il résulte de tout ce qui précède qu’un de nos groupes de combat, dans les batailles d’escadre, aurait une puissance offensive supérieure à celle d’un des cuirassés, et que, dans les autres circonstances de la guerre maritime, ces groupes de combat réunis donneraient des résultats bien plus utiles et bien plus rapidement obtenus que ces mêmes cuirassés. Or, six groupes de combat, que nous regarderons comme l’équivalent de l’escadre d’évolution, représentent 12 canonnières, soit 12 millions et 600 hommes ; 24 torpilleurs d’attaque, soit 6 millions et 336 hommes ; 24 torpilleurs de défense, soit 6 millions et 432 hommes ; enfin 3 transports, à raison de 1 transport pour deux groupes, soit 12 millions et 1,380 hommes. Nous arrivons donc à un total général de 36 millions et 2,748 hommes. Que l’on compare et que l’on juge ! Et nous nous bornons à parler de l’escadre. Nous laissons de côté nos cuirassés en chantiers ou dans les ports, nos croiseurs blindés, etc. Nous ne tenons aucun compte des énormes dépenses accessoires qu’exige la construction de la grosse marine, ateliers ruineux, grues énormes, bassins considérables,