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coulant sans pitié les navires de commerce, après leur avoir enlevé leurs vivres et leur charbon, afin de ne pas s’alourdir par des captures encombrantes. Quant aux équipages, ils les jetteront, après les avoir recueillis, sur la première plage hospitalière. Mais ils n’auront garde de s’exposer sciemment à aucun danger. Si des torpilleurs et des canonnières les attaquent, ils chercheront leur salut dans la fuite ; et jamais ils n’auront l’imprudence de s’approcher des ouvrages fortifiés de terre, où ils pourraient subir de graves avaries. Ils se borneront à croiser en mer et aussi à forcer les blocus. Ces bateaux seront nos blockade-runners et nos Alabamas, mais des Alabamas bien décidés à ne pas renouveler la folie de leur glorieux modèle en acceptant le combat. Chacun d’eux coûtera probablement plus de deux millions. Heureusement il ne sera pas nécessaire d’en avoir beaucoup. Les grandes lignes commerciales de l’océan sont, nous l’avons dit, au nombre d’une dizaine au plus, et c’est seulement là que nos croiseurs auront, à se montrer.

Mais il faut combattre les escadres qui subsistent encore, qui subsisteront plusieurs années peut-être. Nous allons prouver que nos transports, canonnières et torpilleurs y suffiront. Afin de donner plus de précision à nos idées, nous classerons nos bateaux par groupes, que nous appellerons groupes de combat, chacun de ces groupes étant composé de 2 canonnières, de 4 torpilleurs d’attaque et de 4 torpilleurs de défense. Le groupe ainsi constitué nous paraît réunir une puissance suffisante d’attaque pour venir à bout soit d’un cuirassé, soit d’un gros bâtiment. Avons-nous affaire à une escadre ennemie, formée de cuirassés, de torpilleurs et d’éclaireurs ? Du plus loin qu’elle sera aperçue, nos torpilleurs et nos canonnières, profitant de leur vitesse, l’entoureront de tous côtés ; les canonnières et les torpilleurs de défense marcheront en tête, chargeant les éclaireurs et les torpilleurs ennemis, frayant la voie aux torpilleurs d’attaque, qui seront tout près derrière eux ; ils feront le plus de mal, mais aussi le plus de fumée possible en vue de dissimuler leurs compagnons de combat. Si la trouée au travers des bâtimens légers d’avant-garde réussit, chose fort probable, les torpilleurs d’attaque ne défileront à leur maximum de vitesse que lorsque les cuirassés, tirant leurs grosses pièces, seront entourés de cette auréole de fumée qui les environne et qui les aveugle dès les premiers coups de canon ; alors rien ne pourra les arrêter ; pourvu qu’ils soient en nombre, le succès est certain ; dans chaque groupe de combat, les torpilleurs agiront de concert pour attaquer simultanément le cuirassé qu’ils auront choisi, et de quatre torpilleurs tirant sur l’avant, sur l’arrière, sur chacun des flancs d’un