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communes ; ils firent prévaloir l’usage de traiter dans les convocations toutes les affaires concernant l’église. Ils se sentaient là plus maîtres de leur milice, plus libres de faire leurs conditions au roi dans l’intérêt du corps entier dont ils étaient les chefs. On ne peut pas surestimer, si grandes qu’on les imagine, les conséquences d’une telle faute. Le nom de l’église, son autorité, l’influence de ses lumières, les ressources de son génie inventif, aucune de ces forces ne se trouva présente et active dans l’assemblée dont les circonstances allaient faire de plus en plus l’organe de l’esprit national. Les prélats laissèrent cet esprit se développer, s’enhardir, combattre, vaincre, et, en chacun de ces progrès, sentir le clergé comme étranger aux vœux du pays, indifférent à ses efforts. L’église finit par ne plus compter dans les espérances et les plans politiques d’un peuple qui était resté, d’ailleurs, profondément religieux ; ou plutôt on ne vit plus d’elle que les abus dont elle profitait, les avantages immenses qu’il était si naturel de lui envier, sa connivence ou au moins sa solidarité apparente avec Rome. Ainsi s’explique le mouvement parfaitement continu et progressif de résistance et d’offensive qui se dessine de bonne heure dans le parlement contre l’église et qui se poursuit jusqu’au XVIe siècle. La grande révolution d’alors n’est que l’écroulement final d’un édifice depuis longtemps battu par le bélier et miné par la sape[1]. Cette fin avait été annoncée et préparée par d’innombrables ordonnances et statuts contre la mainmorte, contre les empiétemens des tribunaux spirituels, contre les appels en cour de Rome, contre l’ingérence du pape dans la nomination des évêques. Wicleff[2] et les lollards avaient, au XIVe et XVe siècle, soulevé contre le haut clergé un mouvement d’opinion populaire qui rencontra d’abord les encouragemens du pouvoir et que la persécution qui suivit comprima sans l’étouffer. La dynastie des Lancastre est favorable à l’église. La cour romaine ressaisit alors l’exercice nominal de mainte prérogative que les lois antérieures avaient fait profession de lui retirer. Mais elle n’en use guère que pour la forme et selon le bon plaisir de la couronne. Tout le XVe siècle nous montre ainsi le pouvoir spirituel en retraite et en déclin. La chute de l’ancien baronnage laisse l’église seule en face du roi tout-puissant, absente de la chambre basse qui se défie d’elle, noyée dans la chambre haute

  1. Voir dans Stubbs les règnes d’Edouard II, d’Edouard III et de Richard II. Tout le XIVe siècle abonde en plaintes et en mesures de défense contre l’influence de la cour romaine et du clergé. En 1371, les sceaux sont pour la première fois confiés à un laïque. En 1371, le parlement réclame des ministres laïques.
  2. Le De Dominio divino date au plus tard de 1368 (Green, I, 447).