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aboutit à la grande charte, le roi commence. Pour la première fois, quatre chevaliers, choisis dans chaque comté, sont cités à cette fin expresse de s’entretenir avec le prince des affaires de l’état. En 1215, la grande charte paraît laisser de côté le principe de l’élection et de la représentation. Après le roi Jean, il y a une période d’apaisement. On revient donc à l’ancienne procédure, et le grand conseil reste relativement aristocratique jusqu’en 1254, époque où la lutte s’aigrit de nouveau entre la royauté et le baronnage. Chacun des deux partis commence à sentir le besoin de trouver des alliés dans le reste de la nation. À cette date, deux chevaliers par comté sont convoqués ; ils se rencontrent avec les procureurs du clergé paroissial, appelé de son côté pour la première fois à se faire représenter au parlement. Jusque-là, les abbayes, les prieurés et les églises cathédrales étaient seuls appelés avec les prélats. Le rôle de tous ces nouveau-venus est encore bien humble ; ils sont là pour écouter, pour apprendre et rapporter dans les comtés et dans les paroisses les résolutions prises par le grand conseil. Il ne paraît pas qu’ils délibèrent ; on les congédie au cours de la session, et l’assemblée des magnats continue à débattre sans eux les grandes affaires, dont ils n’ont pas à connaître.

Quoi qu’il en soit, nous retrouvons les uns et les autres en nombre variable, irrégulièrement et à de longs intervalles, dans plusieurs des parlemens subséquens, en 1261, 1264, 1270, 1273. En 1295, la convocation, à raison de deux par comté, est passée en coutume et, à la même date, une pénalité spéciale sanctionne la convocation des représentans du clergé paroissial. Désormais aucun parlement ne sera régulier sans cette double citation. Pendant le même temps, un autre élément a obtenu l’entrée de l’enceinte parlementaire. Les villes principales, surtout celles qui sont pourvues de chartes, ont été convoquées en 1265 par Simon de Montfort. Trente ans après, en 1295, une ordonnance royale les invite à se faire représenter par deux de leurs habitans, — citoyens ou bourgeois, — et, à partir de cette date, une citation régulière leur est adressée pour chaque parlement : 1295 est donc une date capitale. Le commencement du XIVe siècle trouve le parlement constitué avec tous les caractères d’une assemblée véritablement nationale, où figurent, plus complètement même qu’à l’heure présente (car il y a eu depuis des exclusions et des déchéances), tous les élémens qui composent le peuple anglais.

Que nous voilà loin de la France, où ni les campagnes, ni le clergé paroissial n’ont été réellement représentés pendant la plus grande partie du moyen âge ! Mais plus considérable encore paraîtra la différence si nous examinons de quelle manière les élémens signalés