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période de vingt et un ans. C’est moins que ne permettaient, en France, les institutions d’ancien régime. Les substitutions modernes se sont développées sur l’espace étroitement mesuré par le législateur et les juges ; ceux-ci ont tenu la main à ce que chaque génération fût mise à même de reconsidérer l’arrangement et de régénérer, s’il lui plaît, la propriété complète ; si le système se perpétue en fait, c’est uniquement, par la volonté et le choix des héritiers successifs. De notre temps, une série de statuts ont dispensé l’héritier d’observer les clauses antiéconomiques de ces covenans et lui ont restitué, éventuellement, les principaux droits que sa condition de quasi-usufruitier le rendait incapable d’exercer. Toute cette évolution des deux derniers siècles, qu’on ne s’y trompe pas, n’a rien à voir avec le système féodal antérieur ; elle est l’effet d’une grande entreprise aristocratique, laquelle a fini par provoquer une réaction démocratique, toutes deux entièrement modernes dans leurs causes et nouvelles dans leur esprit.

Il nous reste, pour connaître tous les élémens du parlement futur, à regarder du côté des villes. J’indique rapidement les caractères exceptionnels que le développement des centres urbains a présentés en Angleterre. Premièrement, ce développement paraît avoir été beaucoup plus lent qu’en France. Cela tient sans doute à ce que la liberté, un certain bien-être, les chances de s’enrichir ne manquaient pas dans les districts ruraux. Le séjour dans les villes n’était pas la seule voie ouverte aux classes inférieures pour améliorer leur condition[1]. La vie urbaine exerçait donc une moindre attraction. Aussi, au temps de Charles II, n’y avait-il pas, en dehors de Londres, plus de quatre villes dépassant le chiffre de dix mille habitans. On sait d’ailleurs que, jusqu’au XVIIe siècle, l’Angleterre n’était aucunement un pays industriel, c’était un pays agricole, et surtout pastoral, qui vivait de la vente de ses laines. La grande majorité des villes avait le caractère de bourgs ruraux ; leur population était identique, pour les occupations et les mœurs, à celle du reste du comté. Les grandes villes, dépendant presque toutes directement du roi, avaient été exemptes de ces luttes entre le comte, l’évêque et les bourgeois, qui remplissent l’histoire de nos communes. Elies avaient reçu sans opposition leurs chartes de la royauté. Aucun grief ne les indisposait ou ne les prévenait contre les barons et les chevaliers de leur voisinage ; elles se confiaient à eux sans inquiétude et sans répugnance. Enfin, les réunions avec la noblesse du district étaient devenues familières aux bourgeois ; les

  1. Voir dans Taine (Littérature anglaise, I), les portraits du paysan anglais et du paysan français d’après Fortescue.