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Nous plaçant successivement à ces trois points de vue, nous examinerons d’abord quelle est l’importance respective des divers intérêts à desservir et dans quelles limites le Rhône pourrait y suffire. Nous rechercherons ensuite par quelle série de travaux pratiquement réalisables on pourrait se proposer de résoudre le grand problème économique de l’utilisation des eaux de ce fleuve.


I

Dans une étude précédente[1], j’ai fait voir que la France, au point de vue du climat, pouvait être considérée comme se partageant en deux zones distinctes : au nord et à l’ouest, une zone humide dans laquelle la précipitation de l’eau pluviale compense à peu près l’évaporation annuelle ; au sud-est, une zone sèche sur laquelle l’action prédominante du vent du nord fait, pendant une partie de l’année, régner un climat analogue à celui dont la permanence constitue en Afrique le désert du Sahara.

La ligne de faîte qui sépare les versans océaniens des versans méditerranéens peut être considérée comme délimitant assez bien ces deux zones de climats ; mais c’est surtout dans la région inférieure du bassin du Rhône et sur les versans directs de la Méditerranée, dans le grand triangle compris entre Valence, Perpignan et Toulon, que l’action desséchante du vent du nord se fait plus particulièrement sentir. L’évaporation annuelle, variant de 1m, 50 à 2 mètres, suivant les lieux[2], s’y trouve de deux à quatre fois

  1. Voyez, dans la Revue du 15 décembre 1882, le Bassin de la Méditerranée.
  2. Quelques chiffres feront mieux ressortir cette influence climatologique ; je les emprunterai aux observations météorologiques faites en 1881, en deux points du département de l’Hérault : d’une part, Montpellier a une altitude de- 30 mètres, au voisinage de la Méditerranée ; de l’autre, Fraisse a une altitude de 930 mètres, près des sources de l’Agout sur le versant de l’Océan.
    A Montpellier, on a constaté les tranches d’eau pluviale et d’évaporation à l’air libre ci-après, pendant les quatre périodes trimestrielles, répondant aux saisons.
    Hiver Printemps Eté Automne Année
    Eau pluviale 0m, 29 0m, 15 0m, 04 0m, 12 0m, 60
    Évaporation 0m, 29 0m, 37 0m, 82 0m, 47 1m, 95


    A Fraisse, on a observé respectivement :

    Hiver Printemps Eté Automne Année
    Eau pluviale 0m, 82 0m, 44 0m, 11 0m, 10 1m, 46
    Évaporation 0m, 07 0m, 18 0m, 29 0m, 44 0m, 98


    A Montpellier, l’évaporation, triple en somme de l’eau pluviale, l’a équilibrée en hiver, lui a été très supérieure pendant les neuf autres mois, vingt fois plus forte en été. A Fraisse, au contraire, l’évaporation de moitié plus faible que l’eau pluviale pour l’ensemble de l’année, lui a été très inférieure pendant les six mois d’hiver et de printemps, mais l’a cependant dépassée pendant le reste de l’année. La première localité peut être considérée comme un type de pays très sec, la seconde, de pays relativement humide, mais surtout très pluvieux.