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libéraux et les conservateurs, c’est que les premiers réclament des droits d’entrée plus modérés ; mais ni les uns ni les autres ne partagent les théories cosmopolites des libre-échangistes européens, qui comparent la protection à un boulet, les tarifs canadiens à un musée d’instrumens de torture, et prétendent qu’en suivant l’exemple des Américains, le Dominion a oublié la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf. Les conservateurs répondent avec le prince de Bismarck qu’ils ne sont ni libre-échangistes, ni protectionnistes, mais Canadiens, qu’ils font ce qu’ils croient le plus utile à leur pays, qu’après tout, les tarifs sont l’impôt le moins gênant, qu’ils relèvent le travail national et lui apprennent à s’affranchir des États-Unis, vis-à-vis desquels il se trouvait jusqu’alors dans une sorte de vasselage économique. Ils ajoutent encore que le refus de ceux-ci de proroger les traités de commerce, la dureté de leur régime douanier, les coalitions, les rings de leurs manufacturiers ont rendu nécessaires ces représailles. Non-seulement ils ont racheté les déficits du passé, mais ils ont des excédens qui leur ont permis de réduire les droits de 2 millions ¼ de piastres. Ainsi le tarif de protection a été un tarif de revenu : il a encouragé les manufactures, puisque les importations de coton brut, qui, en 1877-1878, ne dépassaient pas 7,243,413 livres, atteignent en 1882 le chiffre de 27,353,721 livres ; la production houillère a augmenté de 700,000 tonnes, le consommateur se procure les marchandises, les cotons, les lainages dont il a besoin à des prix moindres que ceux de 1878 ; le cultivateur vend aussi son blé plus cher qu’auparavant. Si la balance du commerce ne penche pas en faveur du Dominion, si les importations de 1882-1883 atteignent 123,137,019 piastres et si l’exportation n’a été que de 88,334,031, cela tient aux efforts tentés pour créer une industrie nationale, aux travaux du Pacifique, qui ont nécessité une introduction considérable de matières premières, cotons, fers, machines. Naturellement celles-ci ne peuvent rendre aussitôt les avantages qu’on a le droit d’en espérer, et plusieurs années se passeront avant qu’elles paient en développement industriel, en salaires, ce qu’elles auront coûté.


VII

La constitution de 1867 a remis aux législatures provinciales tout ce qui se rattache aux intérêts purement locaux et en particulier à