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rien à ce qui s’était passé, trop disposé à traiter de renégats ses amis d’autrefois, qui avaient tiré de l’union le meilleur parti possible, il se prononça pour le rappel de celle-ci et fit figurer dans son programme l’annexion aux États-Unis, le suffrage universel, l’éligibilité de la magistrature, l’abolition des dîmes et du gouvernement responsable. Vains efforts : le peuple vit avec une pénible surprise son ancien favori combattre M. La Fontaine et répudia les doctrines du parti rouge ; la voix du tribun resta sans écho ; le gouvernement impérial se montra sévère à l’égard des annexionnistes et donna raison à lord Elgin sur tous les points. Montréal perdit son titre de capitale, et l’assemblée demanda au gouverneur, de convoquer le parlement tantôt à Toronto, tantôt à Québec. Toutefois, le système des capitales alternatives ayant paru trop dispendieux, la reine fut priée, en 1857, de faire un choix, qui se porta sur Ottawa, ville naissante, isolée dans la forêt, située sur la limite des deux provinces. Cette décision, qui était dictée par des raisons stratégiques, donna lieu à des récriminations nombreuses, et son exécution mit en péril l’existence de plusieurs ministères. Ces querelles sont aujourd’hui oubliées, Ottawa est restée la capitale de la confédération ; les Canadiens se félicitent d’avoir profité de la leçon de Montréal et suivi l’exemple des Américains.

La retraite volontaire de MM. La Fontaine et Baldwin en 1850, au moment où leur prestige était à son apogée, avait eu pour conséquence la formation du ministère Hincks-Morin, qui, avec une couleur libérale plus accusée, ne devait pas s’écarter de leur ligne de conduite. Il préparait avec ménagemens la solution de diverses questions qui agitaient alors les esprits, convaincu qu’il vaut mieux dénouer celles-ci que les déchirer, lorsque, en 1854, il fut mis en minorité par une coalition des rouges et des tories. Un appel aux électeurs n’ayant pas réussi, il se retira définitivement. Les conservateurs avaient cessé de bouder le régime constitutionnel ; ils avaient, à leurs dépens, fait leur apprentissage, et compris, selon un mot célèbre, qu’une chambre, même mauvaise, vaut toujours mieux qu’une antichambre, que le premier devoir de l’homme d’état est de réussir, en s’accommodant des choses mêmes et des personnes qui peuvent lui déplaire : ils firent des ouvertures aux libéraux modérés, s’engageant à accepter les principaux points de leur programme, à favoriser le règlement des réserves du clergé et de la tenure seigneuriale. L’alliance de la majorité des Canadiens français avec les conservateurs du Haut-Canada fut conclue, scellée sur cette base, et eut des effets très heureux. Le nouveau cabinet Mac-Nab-Morin proposa aussitôt un projet sur les réserves du clergé protestant, qui consistaient en de grandes étendues de terres que jadis on lui avait assez arbitrairement affectées. On décida