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maritime. Chose à noter, ce fut dans une circonstance solennelle, — en plein conseil de guerre, — qu’il nous fit ses adieux. Nous avions fait présent au bey de Tunis d’un navire à vapeur. Dès sa première traversée, ce navire, mis au monde sous un astre néfaste, va s’échouer presque en vue du port : il se perd sur le cap Carthage. On traduit le capitaine et les officiers en jugement. Nous avions donné le navire, nous fournissons les juges. Une seule déposition suffit : « Capitano malato, piloto dormir, mi non sabir, bastimento perdir. » Qu’eût-on pu dire de mieux au temps de Palinure ?

Le savant auteur du Glossaire nautique, M. Jal, a cru pouvoir conclure de ses longues recherches que « le plus grand espace parcouru par une galère entre deux palades, » c’est-à-dire entre deux coups d’aviron, correspondait à la portion de la longueur du navire occupée par sept bancs, en d’autres termes, à 9m, 74, et M. Eugène Sue est d’avis qu’une galère bien armée devait donner vingt-six palades par minute, quand la chiourme voguait à outrance, de vingt-deux à vingt-quatre, quand elle voguait modérément. Si l’on acceptait ces données, la vogue à toucher le banc aurait eu pour résultat de faire franchir à la galère un espace de 253 mètres par minute, de 15 kilomètres ou 8 milles marins environ à l’heure. Jamais, on peut l’affirmer sans crainte, pareille vitesse ne fut atteinte par un navire à rames. Le célèbre ingénieur Forfait estime que la galère la mieux montée pouvait faire, par un calme parfait, 4 milles 1/2 au plus pendant la première heure, 2 milles 1/4 ou 1 mille 1/2, pendant quelques heures encore. Après un temps assez court, la chiourme épuisée n’était plus, suivant lui, capable d’imprimer au navire la moindre vitesse. L’opinion de Forfait a pour nous d’autant plus d’importance qu’elle résulte évidemment d’études approfondies et sérieuses. Forfait écrivait à une époque où les projets de descente en Angleterre semblaient devoir rendre à la marine à rames son importance.

On ne peut, — la chose est bien évidente, — accomplir à la rame que des traversées de peu d’étendue. Naviguez-vous le long d’une côte où les ports sont nombreux ? N’hésitez pas à jeter l’ancre tous les soirs. Telle est généralement la coutume sur la côte d’Italie, où les galères du roi se rendent le plus souvent quand elles sont en campagne. L’audace est une excellente chose : Nelson, s’il en faut croire le capitaine Cochrane, prétendait qu’un marin, pour être assez hardi, doit être à moitié fou. Ajoutons qu’il prêchait d’exemple. L’audace cependant quelquefois se paie cher. Tous souvient-il, mes vieux camarades, du fameux coup de vent du 21 janvier 1841 ? Le ravage s’étendit d’un bout à l’autre de la Méditerranée. L’escadre que commandait l’amiral