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d’une minute. Jusqu’au XVIe siècle, l’arc fut l’arme favorite, on peut même ajouter l’arme par excellence des Anglais. Cependant, vers la fin du XIe siècle, l’arbalète, ou arc à crosse, — le cross-bow, — est venue faire concurrence à l’arc, sur lequel l’arme nouvelle l’emporte pour la pénétration et pour la portée. Les traits lancés par l’arbalète, — flèches, dardelles, matras, carreaux, viretons, — atteignent, en effet, le but à 120 mètres au moins ; la portée de la flèche ne dépasse pas 64 mètres. Archers anglais, arbalétriers espagnols ou génois, forment, dès cette époque, une milice redoutable, milice souvent fatale à la grosse cavalerie, qui affecte de la mépriser.

Il n’est pas fait mention d’armes à feu dans la grande bataille navale de L’Écluse, qui fut, on se le rappellera, livrée survies côtes de Flandre le 24 juin 1340 ; un demi-siècle plus tard, on entend déjà gronder devant les Lagunes la bombarde qui vient prendre la place du mangonneau et de la catapulte. Bientôt après, des tubes plus allongés, — cannes, ou canons, springales, pierriers, coulevrines, — substituent aux feux courbes les feux directs. Parmi ces nouveaux engins, les uns se chargent par la bouche, les autres ont une culasse mobile dans laquelle se logent la poudre et le boulet ; une culasse qu’on ajuste à la volée au moment du tir et qu’on y fixe au moyen de brides ou d’étriers. La grosse artillerie névro-balistique aura, dans quelques années, complètement disparu. Restent l’arbalète et l’arc ; le canon à main, tube de bronze dont le poids n’excède pas dix livres et qu’on encastre dans un fût d’un mètre environ de longueur, ne tardera pas beaucoup à les remplacer : s’il a moins de rapidité, moins de justesse dans le tir que l’arc et l’arbalète, le canon à main a du moins l’avantage de percer la cuirasse, de plus en plus épaisse, dont se couvre le chevalier. Dans les actions de pied ferme et dans la guerre de siège, le canon à main, autrement dit la canna di ferro, se pose sur une fourchette : il prend alors le nom d’arquebuse à croc. Il faut deux hommes pour le manœuvrer. Telle est l’arme que la chevalerie appelle « l’arme des lâches » et qu’elle voudrait, comme le paladin de l’Arioste, « renvoyer à l’enfer, d’où elle est sortie. » Tout arquebusier qui tombe entre les mains de Bavard est à l’instant pendu. Bien des gens, si on les laissait faire, ne traiteraient pas mieux nos torpilleurs.

À quoi serviront désormais le corselet, la cotte de mailles, le jaque, le haubert, le buffle, l’armure de fer forgé, avec ses brassards, ses chausses, ses gantelets, sa coiffe, son gorgerin, ses grèves ? Quelle protection attendre du bouclier, de l’écu, de la rondache, du pot en tête, du heaume, du casque, du nasal, du morion, de la salade, de la bourguignote ? Toutes ces armes défensives étaient bonnes quand on n’avait à craindre, outre les flèches et la lance, que l’épée, l’espadon, la flamberge ou la colismarde. Aujourd’hui, on peut