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par des propositions d’un caractère général, plus conformes aux conditions internationales de l’Égypte.

Il s’agit maintenant d« concilier toutes ces combinaisons qui, sans être, si l’on veut, absolument contradictoires, sont néanmoins encore assez différentes. Là est le point épineux. L’opinion anglaise, il est vrai, s’est montrée d’abord peu favorable aux propositions européennes ; elle a commencé par les rejeter comme une injure ou une usurpation, comme un retour offensif contre la prépondérance britannique sur le Nil. L’Angleterre, au dire de certains journaux, a seule tous les droits, et elle peut, elle doit les garder, sans faire des concessions qui seraient un aveu d’impuissance, qui n’auraient d’autre effet que de reconstituer un contrôle multiple aboli. Que parle-t-on d’ailleurs de l’unanimité de l’Europe ? L’Italie, malgré une adhésion apparente et calculée aux propositions européennes, se tient à l’écart, et M. Mancini le disait l’autre jour, « elle est parvenue à conserver une plus intime communauté d’intérêts avec l’Angleterre, » — cette communauté intime qui lui permet aujourd’hui d’aller à Assab. M. de Bismarck lui-même, dans un de ses derniers discours, en disait assez pour laisser entendre que, si on lui cède sur quelques points du globe qu’il ambitionne, il ne sera pas difficile sur le Nil et il pratiquera volontiers une fois de plus la politique de « donnant, donnant. » D’un autre côté, rien de plus aisé que de se passer de l’Europe en s’entendant, au besoin, avec la Turquie au sujet de l’Egypte. La Turquie ne demande pas mieux ; elle vient d’envoyer un de ses ministres à Londres, elle est toute disposée à se prêter aux vues britanniques, à la condition d’occuper elle-même quelques points de la Haute-Egypte. — En réalité, c’est là de la mauvaise humeur, c’est le thème de polémiques acerbes qui ne sont pas une solution, qui peuvent tout au plus ajouter aux difficultés de la vraie solution. L’Angleterre eût-elle tous les pouvoirs et toutes les libertés, elle ne serait pas moins intéressée à ménager, à respecter les intérêts et les droits des étrangers, à s’entendre avec l’Europe, sans laquelle elle ne peut, en définitive, rien terminer dans la vallée du Nil. Les Anglais éclairés savent bien quel danger il y aurait dans une occupation toujours contestée ou dans une intervention turque qui risquerait de rouvrir la question d’Orient tout entière ; et le gouvernement de la reine vient lui-même de montrer sa prévoyance, son esprit de conciliation, en acceptant les propositions françaises et européennes comme une base de négociation nouvelle. M. Gladstone aura sans doute des difficultés à vaincre, des ardeurs d’opposition à combattre, jusque dans le parlement, pour faire accepter une œuvre d’équité et de transaction ; il honorera certainement ses vieux jours en soutenant ces luttes, et il aura peut-être une force de plus s’il réussit jusqu’au bout dans cette campagne qu’il a