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L'ATTENTAT DU NIEDERWALD

Le 28 septembre 1883, une grande fête se célébra dans le Nassau, près de Rüdesheim, au sommet du Niederwald, qui fait face à Bingen et commande une admirable vue sur le Rhin. On inaugurait ce jour-là le monument de la Germania, consacré à la gloire des armes allemandes et à la fondation du nouvel empire, de qui dépendent aujourd’hui les destinées de l’Europe. L’empereur Guillaume était venu présider en personne à cette imposante cérémonie. Il était accompagné du prince impérial, du roi de Saxe, du grand-duc de Bade, du grand-duc de Hesse-Darmstadt, des princes Frédérick-Charles, Guillaume et Albert de Prusse, du prince Luitpold de Bavière, d’autres princes encore et de plusieurs ministres. Le plus ancien des historiens grecs, celui qu’on a surnommé le père de l’histoire, pensait que le monde est gouverné par une divinité jalouse, ombrageuse et tracassière, toujours prête à appesantir son bras sur les superbes qui se croient quelque chose et à leur rappeler qu’ils sont à la merci de ses caprices. Ce dieu jaloux ne trouvera jamais rien à reprendre ni dans les sentimens ni dans les discours de l’empereur Guillaume. Le 28 septembre, il prit la parole pour renvoyer à un autre que lui toute la gloire des batailles gagnées. Il déclara que la Providence avait tout fait, que lorsqu’elle médite d’étonner le monde par de grands événemens, elle choisit elle-même son heure, son endroit et ses outils. Il ajouta que le monument qu’on allait inaugurer était destiné à perpétuer le souvenir de ceux qui étaient morts au champ d’honneur, à témoigner de la reconnaissance des vivans, à exciter l’émulation de la postérité, que Dieu y pourvoirait. Cela dit, il mit chapeau bas et tendit