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ces critiques, M. Coomans trouve des éloges à adresser, bien que l’intervention du gouvernement dans l’administration de Gheel lui pèse fort ; il fait ressortir les avantages de la vie libre pour l’aliéné et les garanties qu’offre la charité des Gheelois pour la sûreté personnelle de ces infortunés. M. VIeminckx ne trouve que du bien à dire de Gheel. « Il n’y a pas d’asile qui vaille cette libre colonie-là. On aura beau s’ingénier à introduire dans les établissemens fermés tous les adoucissemens et perfectionnemens désirables, jamais aucun d’eux ne réunira autant et d’aussi bonnes conditions d’un traitement rationnel et d’une prompte guérison, » dit-il dans un de ses discours. Dans un autre : « Qu’on me cite un seul établissement qui réunisse ces avantages-là. Il n’y en a pas, il ne saurait y en avoir, car il ne suffit pas de dire : Je vais me procurer, dans tel ou tel endroit, un certain nombre d’hectares, et y établir une colonie. Non, non, il faut plus que cela ; pour faire une colonie comme celle de Gheel, il faut des habitans comme ceux de cette localité, ne répugnant pas à vivre de la vie de famille avec les aliénés, et en ayant contracté l’habitude de père en fils depuis plus de mille ans. »

Nous venons de voir rapidement ce que les hommes d’état pensent de Gheel ; voyons maintenant ce qu’en dit le médecin de la colonie même. M. le docteur Peeters, ancien inspecteur de Gheel, doit bien connaître le fort et le faible de l’institution dont il fait partie. Laissons de côté les plaintes où ses intérêts personnels pourraient être en jeu, et ne prenons que les critiques générales, celles qui ne le touchent en rien : nous sommes sûrs de leur impartialité. De modification fondamentale à faire subir à Gheel, il n’en est pas. Le système a fonctionné pendant des siècles sans graves inconvéniens ; il n’y a que de petits perfectionnemens à apporter à l’ensemble du rouage. Ce qui importe le plus, c’est d’augmenter le personnel surveillant. Nous avons, à plusieurs reprises, parlé du défaut, ou plutôt de l’insuffisance de la surveillance. Nous avons vu qu’à certains momens il peut ne pas y avoir un seul garde de section dans toute la colonie. Même en admettant que tous les gardes soient régulièrement présens, quatre gardes sont-ils suffisans pour inspecter une population de plus de 1,000 nourriciers et de plus de 1.600 aliénés ? Est-il possible à ces quatre agens, si dévoués, si actifs qu’ils puissent être, de veiller à ce que l’aliéné ne sorte pas trop tôt, ne travaille pas avec excès, à ce qu’il soit nourri convenablement, bien traité, et qu’il reçoive les soins hygiéniques nécessaires ? Manifestement non ! Si l’on joint à ces obligations celle de surveiller les débitons et cabaretiers, de porter les ordres administratifs et médicaux, de veiller à l’exécution des prescriptions