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palais. Au sud et à l’est, les jardins descendaient en pente douce jusqu’à la Propontide et au Bosphore. Au nord, le palais de la Daphné donnait sur des jardins ainsi que le Palais-Sacré, résidence des empereurs, où se trouvait la grande salle octogone du trône, nommée le Chrysotriclinium ; au nord, aussi, s’élevait le palais de la Chalcé, qui développait sa façade extérieure sur la place de l’Augustéon, vis-à-vis de Sainte-Sophie. A l’est, d’autres constructions se projetaient, comme un bastion avancé, entre les thermes du Zeuxippe et l’Hippodrome ; c’étaient l’église de Saint-Stéphane et le Kathisma ou palais de la Tribune. Le Kathisma se composait d’un atrium, d’un triclinium, d’un salon de repos, et enfin de la tribune, qui dominait l’Hippodrome. L’autocrator assistait aux courses et se montrait au peuple sans sortir de l’enceinte de son palais. L’architecte avait disposé la tribune en vue de la commodité de l’empereur et aussi de sa sécurité. A l’Hippodrome, le peuple avait toute liberté de paroles ; il prenait parfois toute liberté d’action. Une émeute, un coup de main, étaient souvent à redouter. Mais la tribune impériale pouvait défier les assauts. La terrasse du Kathisma s’élevait de plus de dix mètres au-dessus de l’arène, et le py, sorte de terre-plein en forme de π, qui se projetait en avant de la tribune, auquel n’accédait aucun escalier et où se- tenaient les gardes, formait une première ligne de défense. Si l’on jetait des pierres, l’empereur se retirait dans le triclinium, dont les portes de bronze étaient immédiatement fermées, et du Kathisma il rentrait, sans courir aucun risque, dans le Palais-Sacré. Pour l’impératrice, elle ne paraissait pas dans la loge impériale. L’étiquette de la cour, qui déjà se modelait sur les coutumes de l’extrême Orient, ne permettait pas que l’épouse du souverain se montrât au peuple dans cette circonstance profane. C’était des catéchuménies de l’église de Saint-Stéphane, qui avaient vue sur l’arène, que l’Augusta assistait aux courses de l’Hippodrome.

Plus vaste que le Cotisée, l’hippodrome de Constantinople était décoré avec plus de magnificence. Présentant la figure d’un fer à cheval très allongé, il se terminait à sa base par le Kathisma et divers bâtimens contenant, au-dessus des écuries, les loges du patriarche, des généraux, des personnages de la cour. Sur tout le reste de la circonférence se développaient quarante rangs de gradins de marbre au-dessus desquels régnait un vaste promenoir orné de portiques et peuplé de statues. L’une d’elles, véritable colosse, avait le pouce gros comme un homme. La petite rivière de l’Éripe, endiguée dans un large fossé, coulait tout autour de l’arène. Ce cours d’eau servait à deux fins : il protégeait les spectateurs contre les bonds des bêtes sauvages que l’on montrait parfois dans le cirque, et il empêchait l’arène d’être envahie par les spectateurs à l’issue