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Toute l’étendue de la Métidja était divisée en outhane, sorte de districts administratifs où la prudence des deys avait réuni les deux races, arabe et kabyle. Chaque outhane était administré par un kaïd turc, qui avait sous ses ordres les cheikhs des tribus, avec une sorte de force publique dont le nom collectif, marzen ou maghzen, s’appliquait à tous les cavaliers, dits mrazni, qui étaient employés, pour la rentrée des impôts, par exemple, au service du gouvernement. La partie occidentale du Sahel non comprise dans le Fhas appartenait à l’outhane de Beni-Khelil, qui se prolongeait du nord au sud, entre l’Harrach et la Chifla, en remontant jusqu’aux Beni-Sula, dans la montagne ; à l’est, on trouvait l’outhane de Beni-Mouça, le moins étendu, mais le plus riche de tous, avec une centaine de haouchs ; puis l’outhane de Khachna, jusqu’au Boudouaou, limite orientale de la Métidja. A l’ouest de la Chiffa, il n’y avait que le vaste outhane d’Es-Sebt, qui comptait les tribus les plus nombreuses comme les plus guerrières : dans la plaine, les Hadjoutes ; dans la montagne, les Mouzaïa, voisins des Beni-Sala, les Soumata, les Beni-Menad. C’était de ceux-ci, rudes fantassins, que le bey de Titteri attendait l’effort qui devait rejeter les Français sous le yatagan de ceux-là, cavaliers incomparables.

Le 15 novembre, le général Clauzel prononça solennellement la déchéance de Moustafa-bou-Mezrag ; il lui donna pour successeur un parent de l’agha, comme lui négociant et Maure, Moustafa-ben-Omar. On ne savait pas encore à quel point de tels choix devaient irriter et humilier la fière aristocratie arabe, et ce n’étaient assurément pas les Maures, à la fois ennemis des Français et flattés de l’honneur insigne fait par eux successivement à deux des leurs, qui auraient eu intérêt à éclairer le général Clauzel sur l’effet assuré de ces erreurs fatales. Le 12, un ordre avait arrêté la composition du corps expéditionnaire. Chacun des régimens d’infanterie de l’armée devait fournir un bataillon de cinq cent vingt hommes : les 14e, 37e, 20e, 28e, à la première brigade, sous le général Achard ; les 6e, 23e, 15e, 29e, à la deuxième, sous le général Monck-Duzer ; les 17e, 30e, 34e, 35e, à la troisième, sous le général Hurel ; l’artillerie faisait marcher une batterie de campagne et une batterie de montagne ; le génie détachait deux compagnies de sapeurs. Toutes ces troupes formaient une division sous les ordres du général Boyer. Il y avait en outre une réserve composée d’un bataillon du 21e ; de quatre compagnies du 1er bataillon de zouaves et de deux escadrons de chasseurs ; cette réserve devait être sous la main et à la disposition constante du général en chef, qui emmenait avec lui ses aides-de-camp, le chef et les officiers de l’état-major général, le chef et les ingénieurs de la brigade