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qui est arrivé également en Angleterre, le pays classique du fermage.

Depuis le rappel des lois sur les céréales, qui eut lieu en 1846, l’agriculture anglaise, un moment découragée, n’avait pas tardé à retrouver son ancienne prospérité, et même une prospérité beaucoup plus grande qu’à l’époque où elle se croyait protégée par des droits d’entrée. Le développement de l’industrie et du commerce avait augmenté la consommation de la viande et on avait consacré des surfaces de plus en plus grandes aux fourrages et aux racines, qui, sous le climat humide et tempéré des îles Britanniques, ont plus de chances de succès que toutes les autres cultures. Malgré une importation croissante, le prix des céréales était revenu et s’était maintenu jusqu’en 1877 à un taux rémunérateur. Enfin, propriétaires et fermiers avaient rivalisé d’ardeur pour les améliorations agricoles : drainage, engrais chimiques, machines pour économiser la main-d’œuvre, races de bétail spécialisées en vue de la boucherie et de la laiterie, emploi des tourteaux et des farineux pour enrichir leur alimentation, tout fut mis en œuvre, et, grâce à ces progrès, grâce à cette énergie, les fermages augmentèrent de 26 pour 100 en moyenne dans l’espace de trente ans. Pendant la même période, les salaires agricoles se sont accrus de plus de 50 pour 100. Mais les profits des fermiers, qui avaient été considérables de 1853 à 1870, ont diminué peu à peu, resserrés d’un côté par la hausse des loyers, de l’autre par celle de la main-d’œuvre. C’étaient les préludes de la crise ; ce n’était pas encore la crise elle-même, qui ne se manifesta qu’après 1870 en Angleterre et après 1875 en France, lorsque le produit brut des terres commença à décliner sous l’influence des mauvaises récoltes qui se sont succédé et de la concurrence des blés américains, qui firent baisser les prix sur nos marchés.

Arrêtons-nous un instant à cette question du prix du blé, qui préoccupe en ce moment tout le monde.


II

M. de Foville a montré que, depuis la première moitié du XVIIIe siècle, le prix de l’hectolitre de blé avait augmenté, en moyenne, de fr. 10 par an, et, si l’on fait abstraction de la période désastreuse de 1810 à 1819, où la moyenne a été, en France, de 24 fr. 72, cette progression a continué à se produire jusqu’en 1882. Au premier abord, elle est difficile à reconnaître au milieu des variations dont elle représente la moyenne ; mais ces variations, qui étaient autrefois très considérables, se sont peu