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500 francs, il restait au cultivateur 130 à 200 francs de bénéfice, c’est-à-dire de 13,000 à 20,000 francs par an sur une ferme de 100 hectares, comme il y en a beaucoup dans le pays, 26,000 à 40,000 francs sur une ferme de 200 hectares.

Il y eut, de 1851 à 1860, une période de grande prospérité pour la culture de l’Artois et de la Picardie. Les fermiers augmentèrent leur fortune rapidement. A chaque renouvellement de bail, ils se disputaient les locations, surenchérissant dans leurs offres les uns sur les autres ; et, souvent, sans prendre part à aucune amélioration, même sans avoir à faire de réparations dans leurs bâtimens, les propriétaires virent les revenus de leurs domaines augmenter dans des proportions de plus en plus considérables. Cette hausse se prononça surtout dans la période 1860 à 1870 et elle continua même jusqu’en 1875. En vingt ou vingt-cinq ans, elle arriva à 50 pour 100, 60 pour 100, dans certaines terres à près de 100 pour 100. C’était autant de bénéfices de moins pour les fermiers. En même temps, la main-d’œuvre devenait plus rare et plus chère ; elle le devint surtout après la guerre de 1870-1871. Les bénéfices diminuèrent graduellement ; mais, comme les baux sont la plupart de douze à quinze ans, ceux qui ont servi de contrôle pour l’évaluation de 1879 ne pouvaient pas encore révéler cette décadence progressive du produit net réel. Du reste, le produit brut se maintenait ; il reçut ses premières atteintes après 1875 par les mauvaises récoltes qui se succédèrent, puis après 1881 par les prix peu rémunérateurs du blé et surtout, depuis un an, par la baisse du prix des betteraves, qui fut la conséquence de la crise sucrière. La prospérité de l’agriculture de toute la région du Nord est intimement liée à celle de la fabrication du sucre ; elle a grandi avec elle ; aujourd’hui, elle décline avec elle. Nous reviendrons sur les causes de cette déchéance ; pour le moment, nous en sommes encore à la période de richesse qui ‘l’a précédée, et, si j’ai un peu anticipé sur la suite, c’était pour en préciser les caractères et en marquer le point culminant, qui a été 1875 pour les propriétaires, et pour les fermiers une date antérieure.

Ainsi, de 1851 à 1875, la valeur vénale des propriétés non bâties a augmenté de plus d’un milliard par an, progression deux fois plus rapide que pendant les cinquante premières années du siècle. Le revenu correspondant s’est accru de 821 millions[1] et nous avons vu que cet accroissement provient principalement soit de l’action directe des chemins de fer sur les prix, soit des

  1. Valeur vénale Produit net imposable
    En 1851 61.189.030.452 1.824.186.249
    En 1879 91.583.966.079 2.645.505.565