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depuis 1851, a la plus forte part dans la moyenne. La situation est loin d’être aussi prospère dans le pays de Caux et dans la plaine de Caen, où la culture arable prédomine ; le chiffre de 4 pour 100 qui est donné pour le département de l’Eure, l’exprimerait d’une façon plus vraie. De plus, les contrôleurs des contributions directes ont fait leur estimation d’après les dix années antérieures à 1879 ; elle ne pouvait donc pas constater une diminution de produit net qui en réalité a commencé dès 1875. La culture du lin avait disparu ; celle du colza donnait moins de bénéfice ; les troupeaux de moutons étaient moins nombreux et la main-d’œuvre devenait de plus en plus chère. Les fermiers gagnaient déjà moins qu’autrefois, et ils gagnaient d’autant moins qu’ils étaient engagés par les baux qui ont servi de bases aux appréciations. Il est donc probable que ces appréciations auraient donné des résultats encore plus élevés, si elles avaient été faites avant 1875.

La même remarque peut être faite pour toutes les contrées où le fermage à prix d’argent est en usage, et particulièrement pour la région du Nord. Les Flandres étaient, depuis plusieurs siècles, le pays le mieux cultivé de l’Europe ; les Anglais eux-mêmes y ont pris leurs premières leçons. Depuis 1820, la fabrication du sucre de betteraves y avait introduit une nouvelle source de richesses. Cette industrie avait déjà une grande importance en 1853, lorsque la ville de Valenciennes inscrivait, sur un arc de triomphe, ce résumé caractéristique de son influence agricole : « Production du blé dans l’arrondissement avant la fabrication du sucre, 353,000 hectolitres ; nombre de bœufs 700. Production du blé depuis l’industrie du sucre, 421,000 hectolitres ; nombre de bœufs 11,500. » À cette époque, les terres étaient déjà estimées à une moyenne de 4,000 francs l’hectare ; elles ont encore gagné 42 pour 100 jusqu’à la nouvelle évaluation de 1879. Du département du Nord, cette industrie florissante s’était répandue peu à peu dans ceux du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Aisne. La culture des betteraves, qui se vendaient facilement 20 francs la tonne et souvent davantage, quelle que fût leur richesse en sucre, donna de 400 à 500 francs de bénéfice net dans des terres que l’ancien assolement triennal laissait en jachère et, comme dans l’arrondissement de Valenciennes, le blé qui les suivait rendait par hectare 3 ou 4 hectolitres de plus. Avec les pulpes, les fermiers engraissaient des bœufs ou des moutons, et l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente ajoutait des sommes notables aux recettes de l’exploitation. Quoique plus élevé que dans beaucoup d’autres départemens, le loyer des terres était encore, comme le salaire des ouvriers, assez modéré ; l’ensemble des frais ne dépassait pas 270 à 300 fr. par hectare et, par conséquent, avec un produit brut de 400 à