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mettre le feu. La terre était jonchée de leurs cadavres ; ils revenaient toujours se briser contre ce mystérieux réduit d’où sortait la foudre. Il y avait un marabout boiteux qui les ramenait sans cesse à l’attaque ; c’était à leur manque de foi, disait-il, qu’il fallait uniquement attribuer leurs échecs ; et pour qu’ils eussent bien la preuve de son dire, il s’en alla devant eux frapper le blockhaus de sa béquille, et il s’en revint au milieu des coups de feu tirés sur lui, sans être atteint. Ce fut seulement dans la journée du 20, que le lieutenant Rouillard et sa petite garnison purent être dégagés. Proportion gardée, la Ferme avait été moins violemment assaillie. Pour en ramener les blessés aux. hôpitaux d’Alger, un bataillon du 67e, fort de quatre cents, hommes, était parti ce jour-là même du camp de Moustafa ; il venait d’arriver à l’embranchement de la route de Blida, quand, des hauteurs voisines, l’ennemi embusqué se précipita sur lui ; surprise, effrayée, cette troupe neuve se débanda ; la plupart des hommes, même des officiers s’enfuirent ; heureusement le colonel d’Arlange, qui était sorti de la Ferme à leur rencontre, les rallia et les sauva. Ce malheureux bataillon perdit dans cette échauffourée neuf hommes tués et vingt-trois blessés, dont deux officiers. A minuit, le 30e le reconduisit à Alger avec les voitures d’ambulance auxquelles il avait dû servir d’escorte.

Le 21, les tirailleurs ennemis osèrent s’avancer jusqu’à Birkhadem. Enfin, le 22, le général Berthezène voulut en finir avec le rassemblement de Bou-Farik, comme il avait fait, le 18, avec les contingens de Sidi-Arzine. La composition de la colonne était à peu près la même : les zouaves eurent les honneurs de la journée ; soutenus par l’artillerie, qui les suivit partout, ils poussèrent jusqu’à Birtouta leurs adversaires en déroute ; la cavalerie continua la chasse jusqu’aux ponts de Bou-Farik.

Ce fut le terme de la crise. Violente et rapide, elle avait commencé le 15 juillet et pris fin le 22 ; dans cette courte période, une quarantaine.de tribus, les unes à Sidi-Arzine, les autres à Bou-Farik, s’étaient présentées successivement au combat. Il était donc bien démontré qu’avec leur bouillante ardeur, Arabes et Kabyles étaient hors d’état de tenir plus de quelques jours la campagne et incapables de combiner méthodiquement leurs efforts. Si Ben-Zamoun et Oulid-bou-Mezrag s’étaient entendus pour agir de concert, la lutte aurait pu avoir d’autres suites. Vaincus, non soumis, les insurgés n’en restaient pas moins redoutables. L’insurrection avait jeté dans Alger la terreur, et sa défaite n’avait pas effacé le souvenir du Ténia. En somme, l’armée n’avait fait que se défendre et pour longtemps elle était réduite à la défensive. Enfermée dans ses lignes, plus que décimée par la fièvre, qui faisait entrer cinquante hommes par jour aux hôpitaux, elle n’avait pas dans son chef la