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mettre en ordonnance. Il n’y a qu’à expulser tous les princes, à enrôler tous les séminaristes, à rançonner les congrégations, à supprimer le budget des cultes, — et peut-être aussi à remettre l’auteur de ce beau programme au ministère. M. Paul Bert est un docteur facétieux qui traite la société française comme les animaux sur lesquels il expérimente, — qui a trouvé le moyen de tout remettre dans l’ordre en ajoutant au désordre et de remédier aux inquiétudes du pays en les aggravant. C’est, à ce qu’il parait, la dernière recette de la politique scientifique !

Que M. le président du conseil, qui depuis quelque temps paraît fort absorbé dans les combinaisons de sa diplomatie, ait quelques doutes sur les recettes de M. Paul Bert, qu’il ait l’idée bien réactionnaire qu’on ne fait pas de l’ordre avec du désordre et un gouvernement avec la violence anarchique érigée en système, c’est encore possible ; cela ferait honneur à son jugement. M. le président du conseil est mêlé de trop près à de grandes et sérieuses affaires pour ne pas sentir les inconvéniens de la désorganisation croissante qui le laisse désarmé, d’une situation intérieure où il ne peut trouver qu’une force inconsistante et équivoque. Malheureusement, cette situation troublée et altérée, elle est en partie son œuvre. Ce mal de la désorganisation morale, politique, financière qui fait sa faiblesse dans les affaires diplomatiques, il a contribué lui-même à le créer et à le développer par ses complaisances pour toutes les idées fausses, pour toutes les passions et tous les intérêts de parti. Ces radicaux, ces révolutionnaires tapageurs et stériles qui le désavouent ou qu’il semble désavouer par instans, il a été leur complice. Il est le prisonnier de sa propre politique, de ses propres engagemens. Est-ce qu’il n’est pas perpétuellement obligé de compter dans la chambre avec des partis dont il se croit réduit à acheter l’appui en flattant leurs mauvais instincts, en leur livrant tour à tour la magistrature, l’armée, la paix religieuse ? Est-ce que tout récemment encore un des agens supérieurs du gouvernement, M. le préfet de police, ne mettait pas la plus singulière diplomatie à caresser et à capter le conseil municipal de Paris, — qu’il n’a pas réussi, du reste, à désarmer, même en lui livrant une partie de son administration ? Est-ce que sous les yeux, sous la tolérance même du gouvernement, cet étrange conseil municipal ne passe pas son temps à tout désorganiser, supprimant le budget de la préfecture de police, s’arrogeant sur l’enseignement des droits qu’on a la faiblesse de lui laisser prendre, réduisant de toute façon l’administration à l’impuissance ? Que fait le gouvernement ? De temps à autre, il annule sans bruit un de ces votes ; le conseil poursuit tranquillement, imperturbablement son œuvre sans s’inquiéter des lois et, en définitive, il ne fait que ce qu’il veut. Quand la désorganisation est en bas, c’est qu’elle existe en haut, et certes, an des plus curieux exemples de