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et le Doric Club, qui servit de prétexte aux mandats d’arrestation contre les chefs canadiens, accusés de haute trahison. Ces mandats sont la principale cause de la rébellion, car les inculpés refusèrent de se laisser arrêter comme des malfaiteurs, pour avoir exercé leurs droits de citoyens, et l’on n’avait fait aucun préparatif sérieux, on n’avait amassé ni armes, ni munitions, ni argent. A Saint-Denis, à Longueil, les patriotes remportèrent de brillans succès, on convertit les faux en sabres, en épées, on fit même des canons de bois. Mais que pouvaient, malgré leur héroïsme, quelques bandes indisciplinées, combattant des troupes régulières, des volontaires bien équipés et dix fois plus nombreux ? En moins d’un mois, elles furent décimées, dispersées, vaincues à Saint-Charles, à Moore’s-Corner, à Saint-Eustache. C’est dans ce dernier combat que Chénier prononça un mot digne de Cathelineau. Comme beaucoup n’avaient pas d’armes et s’en plaignaient, il leur répondit froidement : « Soyez tranquilles, il y en aura de tués parmi nous, vous prendrez leurs fusils ! » Les Anglais abusèrent de leur victoire en détruisant cruellement les bourgades de Saint-Benoit, de Saint-Eustache, de Saint-Denis, en chassant de leurs demeures des femmes, des enfans contraints d’errer dans les champs et les bois. Dès la fin de 1837, les chefs des insurgés étaient en fuite ou en prison, les journaux saisis ou muets, la loi martiale proclamée ; le peuple envoyait des adresses rassurantes au pouvoir, car la rébellion n’avait embrasé qu’une minime portion du pays. Les libéraux du Haut-Canada, qui venaient d’arborer l’étendard de la révolte, avaient subi le même sort.

A la chambre des communes, MM. Warburton, Hume, Leader et Stanley ; à la chambre des lords, le duc de Wellington et lord Brougham blâmèrent la conduite des ministres et leur attribuèrent la responsabilité de ces événemens. Ceux-ci présentaient un bill pour suspendre la constitution du Bas-Canada, donner de pleins pouvoirs au gouverneur et à un conseil spécial, mais en même temps ils évitèrent avec soin de parler de l’union et, dans sa réponse à sir Robert Peel, lord Howick, ministre de la guerre, affectait d’insister sur la nécessité de rendre justice aux Canadiens. Lord Brougham soutint hardiment cette thèse que celui-là seul est l’auteur du conflit qui le rend inévitable par ses provocations : « On blâme avec véhémence les Canadiens ; mais quel est le pays, le peuple qui leur a donné l’exemple de l’insurrection ? .. Toute la dispute vient de ce que nous avons pris 20,000 livres sans le consentement de leurs représentai ! Eh bien ! ce fut pour 20 schillings qu’Hampden résista et acquit par sa résistance un renom immortel, pour lequel les Plantagenets et les Guelfes auraient donné tout le sang qui coulait dans leurs veines ! Si c’est un crime de