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d’union à une époque de la session où il y avait à peine soixante députés présens. Il avait organisé en sa faveur la conspiration du silence, et déjà la loi venait de passer inaperçue en première lecture, lorsqu’un ancien marchand du Canada, nommé Parker, ennemi personnel d’Ellice, eut vent de la machination, alla trouver sic James Mackintosh, sir Francis Burdett, et les détermina à se mettre en travers du cabinet. Le bill fut renvoyé à l’année suivante, malgré les étranges supplications d’un des ministres, M. Wilmot, qui réclamait un vote instantané par ce motif que « si on ne se hâtait pas, on recevrait tant de pétitions contre la mesure qu’il deviendrait fort difficile de l’adopter, quelque utile qu’elle pût être à ceux mêmes qui s’y opposaient par ignorance ou par préjugé. » Diminution de la représentation du Canada, droit pour des conseillers non élus de prendre part aux débats de l’assemblée, révision des pouvoirs de celle-ci en matière d’impôt, abolition de l’usage officiel de la langue française, restrictions à la liberté religieuse, aux privilèges de l’église catholique, telle était la substance de ce projet, qui, selon le mot de Garneau, réduisait presque le Canadien-Français à l’état de l’Irlandais.

À peine connue au Canada, cette tentative d’escamotage constitutionnel produisit une extrême agitation : on tint des assemblées publiques, de toutes parts des comités s’organisèrent, le peuple en masse signa des pétitions. Les partisans de l’union eurent aussi leurs meetings, où ils laissèrent éclater leur antipathie contre les anciens habitans ; mais à leur grande surprise, ils se virent abandonnés par les Anglais du Haut-Canada, qu’ils croyaient gagnés à cause d’une question de partage des droits de douane du port de Québec. Ceux-ci déclarèrent en majorité qu’ils se tenaient pour satisfaits de leur constitution, tandis que le nouveau projet diminuerait leurs libertés. L’assemblée du Bas-Canada vota contre l’union les résolutions les plus énergiques en dépit de M. Ogden, qui s’évertua à soutenir ce sophisme de toutes les usurpations, qu’il est quelquefois du devoir des législateurs de chercher le bonheur du peuple malgré lui. Son amendement ne rallia que trois voix, et tel était le courant de l’opinion publique, que, dans le conseil législatif lui-même, le gouverneur ne put recruter plus de six unionistes. Envoyés comme délégués en Angleterre pour y porter les pétitions et les adresses du parlement, MM. Neilson et Papineau eurent des entrevues avec des membres de l’opposition, avec lord Bathurst et Wilmot, ministre et sous-secrétaire aux colonies. Sur la promesse formelle que l’union ne serait point proposée dans cette session, ils s’abstinrent de présenter les pétitions destinées, aux deux chambres et rédigèrent un mémoire dans lequel ils exposaient fortement les raisons qui commandaient le maintien de