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des colonies, lord Grenville, envoie à lord Dorchester un projet suivi d’un exposé de motifs où l’on rencontre ces sages observations : « Le but de ce projet est d’assimiler la constitution de la province canadienne à celle de la Grande-Bretagne, autant que le permettent la différence des mœurs et la situation actuelle des choses. Pour cela, il faut faire attention aux usages et aux idées des habitans français qui forment un élément si considérable de la population : toutes les précautions doivent être prises pour continuer à les laisser jouir de ces droits civils et religieux qui leur ont été garantis par la capitulation de la province, ou qu’ils tiennent de l’esprit généreux et éclairé de l’Angleterre. »

Une circonstance nouvelle, l’émigration des royalistes des États-Unis, vint fournir au gouvernement un excellent moyen de tout concilier. On avait établi ces réfugiés dans la vaste région qui s’étend au nord des Grands Lacs, et comme ils n’entendaient ni les lois ni la langue françaises, il avait fallu les doter d’une espèce de gouvernement spécial. C’est ce qui donna au premier ministre Pitt l’idée de créer deux Canadas, l’un français, l’autre anglais, grâce auxquels il espérait mettre un terme à la rivalité des émigrans anglais et des anciens habitans, récompenser ceux-ci de leur fidélité, offrir à ceux-là un régime parlementaire à l’image de la métropole, soustraire les uns et les autres à la domination de majorités hostiles. Il fixa les limites du Haut et du Bas-Canada de manière que ce dernier comprit presque tout le territoire colonisé autrefois par la France : dans chaque province, un conseil législatif nommé par la couronne, une assemblée élue par les propriétaires d’un revenu de 2 livres sterling dans les collèges ruraux, de 5 livres dans les villes, et par les locataires des villes payant un loyer annuel de 10 livres ; droit de veto pour le roi ou son représentant sur les actes des deux chambres, durée des parlemens fixée à quatre ans, convocation de la législature une fois au moins par an, l’acte d’habeas corpus consacré comme loi fondamentale, maintien des dîmes du clergé catholique et des droits des seigneurs, création d’une dotation en terres publiques pour le clergé anglican, défense au parlement impérial d’imposer d’autres taxes que des droits sur le commerce : voilà les principaux traits du bill de 1791.


II

La nouvelle constitution fut célébrée à Montréal, à Québec, par des banquets et des toasts, parmi lesquels, après le toast sacramentel au roi, on remarque ceux-ci : « La révolution de France et la vraie liberté dans tout l’univers ! — L’abolition de la tenure féodale ! — Que la liberté s’étende jusqu’à la baie d’Hudson ! —