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Amorevoli, 800 ; la Moscovita, 600, « sans compter les services secrets. » Quelques gouttes de cette pluie d’or rejaillissaient jusqu’à la littérature ; on donnait 300 guinées à l’auteur d’un livret d’opéra.

Les gens de théâtre ont aussi leurs misères. Pour une Guzzoni qui fait fortune, une Mrs Woffington qui tient bureau d’esprit, une Lavinia Fenton qui gagne une couronne ducale en jouant l’héroïne de l’opéra du Gueux, combien de pauvres filles dont la destinée ressemble à celle de ces comédiennes, surprises par Hogarth au moment où elles s’habillent, tout en répétant leurs rôles pour une représentation foraine ! Une grange leur sert de foyer, de coulisses, de magasin d’accessoires et de cabinet de toilette. A gauche, une belle fille, qui rejette la tête en arrière tout en baissant les yeux, suivant les règles de l’ingénuité théâtrale. Celle qui doit lui donner la réplique parait timide pour de bon ; c’est une fillette habillée en garçon, qui pleure à chaudes larmes. Est-ce le rôle qui le veut ainsi, ou sa modestie est-elle offusquée de se voir en culottes pour la première fois ? La figure féminine qui occupe le centre de la composition ne pèche point par excès de pudeur, et les commentateurs modernes lui reprochent de montrer sans façon ses jambes dans une nudité presque complète. Il faut dire, pour son excuse, qu’elle ne se sait pas regardée : elle est toute à son rôle de reine ou de déesse. Ça et là, quelques figures d’hommes, glabres, usées, et, pour ainsi dire, fripées ; elles n’ont point de sexe ni d’âge ; ce sont moins des faces vivantes que des masques sur lesquels la grimace du clown s’est, à la longue, immobilisée. Tout est contraste dans ce tableau. Contraste entre la beauté luxuriante des femmes et la pileuse laideur de leurs compagnons ; contraste entre l’emphase des attitudes et le débraillé des costumes ; contraste entre l’effronterie de l’ingénue et la timidité larmoyante de son séducteur ; contraste entre cette jambe svelte, nerveuse, élégante, qui ne déparerait pas une Diane de Jean Goujon, et le maillot avachi, reprisé, qui va la contenir ; contraste, enfin, entre la grange, au toit lézardé, aux murs grossièrement crépis et tous ces symboles de grandeur théâtrale, couronnes en papier et sceptres de carton, qui roulent pêle-mêle avec les ustensiles de cuisine et les engins de toilette. Non-seulement le tableau est plein, mais il déborde. Combien a-t-il fallu d’art, de patience et de philosophie pour composer ce fouillis qui condense en quelques pouces carrés le Roman comique de Scarron !

On vient de voir en déshabillé les comédiens ordinaires du peuple. Veut-on maintenant les contempler dans leur gloire ? Il faut nous rendre, avec Hogarth, à la foire de Southwark. Quel tapage dans cette toile ! « C’est du bruit peint ! » s’écrie M. Sala. En effet, quand