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la natalité pendant les dernières années, ralentissement de plus en plus marqué. Au lieu de 41.78 naissances par 1,000 habitans pendant la période quinquennale de 1872 à 1876, il n’y en a plus en que 39.47 pour la période de 1878 à 1882. La progression décroissante continue. Malgré cette tendance qui se manifeste depuis une dizaine d’années, la natalité, en Allemagne, reste beaucoup plus forte qu’en France, et la progression énorme de la nation allemande est de nature à inspirer de sérieuses préoccupations aux patriotes soucieux de l’avenir du peuple français. Nous n’avons pas à revenir sur les causes de l’infécondité de la France, mises à jour ici même dans les études émues de M. Charles Richet[1]. Cette cause est toute morale. On ne veut pas plus d’enfans pour avoir plus d’aisance. Calcul d’une exactitude sujette à caution, car s’il est vrai que l’éducation d’une famille nombreuse coûte cher et diminue l’épargne, il est vrai aussi que les enfans bien élevés et appliqués au travail gagnent plus qu’ils n’ont coûté à leurs parens. Les apôtres de la limitation des naissances nous disent : La France a seulement 27 enfans au-dessous de quinze ans par 100 habitans et l’Allemagne 34, d’où cette conclusion que les élémens productifs de la nation française, les hommes en état de travailler, sont supérieurs en proportion à la capacité de production du peuple allemand. Relativement peut-être, mais non pas dans un sens absolu, car dès maintenant l’Allemagne compte un plus grand nombre de travailleurs valides, et, dans un pays civilisé, le capital humain surpasse tous les autres en valeur. Dans la suite de ces études, nous montrerons par des chiffres authentiques que l’accroissement de la fortune de la nation allemande marche de pair avec l’augmentation de sa population, que, dès maintenant, son industrie et son commerce font à l’industrie et au commerce français une concurrence déjà sérieuse et qui bientôt sera redoutable. Quelles réflexions surtout doit nous suggérer l’appât d’une richesse extrême de la France, exposée aux convoitises de voisins trop nombreux pour vivre à l’aise sur leur territoire devenu trop étroit, mais qui ont conscience de leur force et que leurs besoins poussent à réclamer une part des biens amassés à côté d’eux ! Quand l’écart entre la puissance numérique des populations française et allemande aura encore augmenté davantage, on saisira mieux les conséquences d’une diminution croissante de la natalité pour la défense nationale. Chacun saura quel danger il y a pour le pays de voir tomber de 4 à 3 le nombre des naissances par mariage en l’espace de moins d’un siècle. Chacun comprendra quelles ressources la France aura perdues en ne voulant pas une fécondité de ses familles égale

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1882.