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Sacrifices dont les contribuables, en fin de compte, auraient eu à supporter le poids. Il appartenait, au ministre des finances de ramener les demandes à des chiffres raisonnables et de polir ce que j’ai appelé le budget brut. Pour le mettre en état d’être placé sous les yeux des représentans du pays, le ministre des finances soumettait ses observations à ses collègues du cabinet, et entreprenait avec eux une étude définitive qui aboutissait bientôt au dépôt du projet de loi de finances sur le bureau de la chambre des députés.

Le mode de préparation que je viens d’exposer est encore en usage, mais pour la forme seulement. Il est malheureusement trop vrai que le ministre des finances qui doit centraliser tout ce qui se rapporte au budget n’a pas assez d’autorité. Il n’est pas contrôleur général ; il n’a d’autre influence sur ses collègues que celle que lui assurent sa compétence spéciale et la situation politique qu’il peut avoir dans les chambres. Il est généralement peu écouté, et ses collègues ne lui facilitent guère sa tâche. C’est la situation d’infériorité du ministre des finances dans le cabinet qui a permis aux adversaires du pouvoir ministériel de faire passer la préparation du budget de l’administration à la chambre des députés. On ne peut pas nier, en effet, que la commission du budget de la chambre des députés n’ait de l’autorité sur tous les ministres sans exception. C’est cette autorité de fait, aujourd’hui incontestée, qui a permis de croire qu’on pouvait transformer la commission du budget et son président en une institution qui joue le rôle de contrôleur général. Les circonstances ont d’ailleurs singulièrement favorisé la nouvelle doctrine, et, tout le monde, le voulant ou non, a concouru à créer des précédens qui ont acquis aujourd’hui, une force presque irrésistible.

L’assemblée nationale de 1871 était une convention ; elle avait tous les pouvoirs, et elle en avait profité pour organiser dans son sein de véritables comités permanens. La commission du budget était une sorte de cabinet ; on s’y distribuait les ministères ; c’est alors que les rapports ont commencé à devenir des monographies. On en avait fait des conférences écrites, très bien conçues pour l’éducation des hommes politiques nouveaux, que l’empire avait systématiquement éloignés des affaires et qui n’avaient pas eu l’occasion d’acquérir de l’expérience. A la suite de chacun des rapports spéciaux concernant chaque ministère, on insérait dès 1872, un dispositif de loi ; c’était, comme une petite loi spéciale qui formait le budget des dépenses d’un ministère ; elle était rédigée comme la grande loi de finances et se composait d’un seul article. M. de La Bouillerie, en déposant le premier rapport spécial du budget de 1872, faisait suivre son rapport d’une loi ainsi conçue : « Il est accordé au ministre des finances pour l’exercice 1872 un crédit