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trois états de prévisions, un état pour l’armée, un pour la marine et un pour les services civils et les frais de recouvrement des impôts. Au commencement du mois de mars, les ministres de la guerre et de la marine exposent chacun dans un discours de quelque étendue les progrès et les besoins de leurs départemens, et la chambre vote un ou deux chapitres. Conformément à un vieil usage, les sommes votées pour un chapitre sont applicables ad intérim à toutes les dépenses du service. Il n’en est pas de même pour le budget des services civils. Il suffit d’obtenir du parlement, avant le 1er avril, un ou deux chapitres des budgets de la guerre et de la marine ; mais cela ne suffit plus quand on passe aux autres budgets, et un crédit provisoire applicable à chacun des chapitres du budget des services civils doit être accordé par un vote spécial avant le commencement de l’année.

Au commencement du mois d’avril, le chancelier de l’échiquier ouvre son budget par un discours très développé dans lequel il expose la situation. Il conclut en proposant les changemens qu’il juge nécessaires à l’income tax annuel et aux impôts permanens. La discussion continue pendant toute la session, et c’est lorsqu’elle est terminée, alors que l’année financière est entamée depuis longtemps, après que les services ont été alimentés au moyen des ressources provisoires accordées par la chambre des communes, qu’intervient la loi d’appropriation sanctionnant dans un acte qui a réuni l’assentiment des communes, des lords et de la couronne, tous les votes, préalablement exécutés, que la chambre des communes a rendus.

Jamais le budget n’est voté avant l’ouverture de l’année, et au lieu d’être déposé, comme en France, dix mois à l’avance, il n’est communiqué au parlement que deux mois à peine avant le premier jour de l’année. C’est absolument le contraire de ce qui se passe chez nous, et la raison en est bien simple. En Angleterre, il n’y a qu’une chambre pour les subsides, puisque le pays n’est représenté que par la chambre des communes. Quand les communes votent un subside, c’est un don qu’elles font à la couronne. Lord Chatham a dit que le pouvoir d’accorder ou de refuser des subsides ne fait pas partie du pouvoir législatif.

Le gouvernement anglais repose sur l’idée d’un contrat entre le peuple et le souverain. Ce n’est pas un peuple représenté par deux chambres, comme chez nous, qui détermine lui-même les impôts, qu’il paiera lui-même ; c’est un peuple représenté dans sa chambre des communes par ses délégués, qui charge un tiers, le souverain, de gouverner avec l’argent qu’il lui met entre les mains.

Ce qui a été l’objet des luttes continuelles des communes contre