Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une autorité administrative et d’une responsabilité ministérielle, et sous la condition d’une séparation des pouvoirs qui mette en présence, d’un côté, une administration agissante et, de l’autre, un parlement contrôlant. Aussi est-il naturel que ce soit au budget lui-même qu’on s’attaque quand on veut détruire le pouvoir ministériel, parce que la préparation et l’exécution du budget constituent l’attribution principale du ministère dans un gouvernement vraiment parlementaire. Je ne sais si tous les adversaires de ce genre de gouvernement le savent, mais il n’est pas douteux qu’ils le sentent, et ils agissent comme s’ils le savaient. L’instinct les guide à défaut de l’intelligence.

Pour détruire le budget, il faut en détruire les principes, et ces principes, on peut les réduire à un petit nombre. C’est ce petit nombre de principes que j’ai besoin de définir, d’expliquer, de produire avec toute leur valeur pour faire toucher du doigt la nature de l’inimitié, consciente ou non, qu’ils excitent chez les théoriciens du gouvernement direct par le parlement, et pour intéresser à leur défense les véritables amis des libertés publiques et de la république parlementaire conservatrice.

Après les avoir définis, je passerai en revue les faits qui se reproduisent chaque année, en s’aggravant, lors de l’examen et de la discussion du budget par les chambres.

Je conclurai enfin par la recherche des remèdes, s’il y en a, à la maladie dont nos assemblées ne sont que trop atteinte ? , et dont il est difficile de les guérir, parce qu’elles ne veulent pas en comprendre tout le danger.


I

Les principes du budget français, conçus pour protéger le gouvernement parlementaire et pour en faciliter le développement, sont au nombre de quatre. Le budget doit avoir de l’unité ; il doit être annuel ; il doit être préalable, il doit avoir une personnalité comptable.

Comme le budget est la proposition la plus importante que le gouvernement puisse faire au pays représenté par les membres des deux chambres, il faut qu’il soit clair, et, pour être clair, il faut qu’il soit présenté sous une forme simple. Il est nécessaire de l’enfermer dans un monument dont on puisse apprécier aisément l’ordonnance et saisir d’un coup d’œil les grandes lignes. De là le principe de l’unité.

Comme, au moment où cette proposition apparaît, il y a deux personnes en présence : — d’un côté, le gouvernement qui parle et,