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avait ensuite baissé rapidement, et la richesse hygrométrique avait diminué si vite qu’elle était nulle à 4,000 mètres. À cette élévation, il n’y avait plus de vapeurs appréciables dans l’atmosphère, le ballon avait voyagé dans le courant boréal.

On sait par les expériences de Tyndall que la vapeur d’eau se laisse difficilement traverser par les rayons solaires et qu’elle enveloppe la terre d’un manteau qui recueille la chaleur solaire pendant le jour et l’empêche de se dissiper pendant la nuit. Tyndall décrit à ce sujet dans un éloquent tableau les désastres qu’une seule nuit causerait à l’Angleterre si l’air était privé de vapeur… L’invasion du sol par un froid qui dépasserait toute prévision, les cours d’eau congelés, toute végétation supprimée, toute vie anéantie, etc. Eh bien, au 18 avril 1863, à partir d’une médiocre hauteur, l’air ne renfermait aucune trace de vapeur. Je n’ai pas entendu dire que les malheurs prédits par l’éminent physicien aient menacé la terre, mais il faut se rappeler que c’est à cette époque du printemps que l’on voit se produire, au lever du soleil, ces gelées désastreuses, ces froids de la lune rousse qui préoccupent avec tant de raison les agriculteurs de tous les pays. On en voit la cause, elle est tout entière dans l’absence de la vapeur d’eau dans les régions élevées.

Puisque dans ces ascensions on a pu mesurer le poids de vapeur contenue dans tous les points d’une colonne d’air haute de 7,000mètres, on peut en faire la somme et savoir quelle serait la hauteur d’eau qui couvrirait le sol si toute cette vapeur y tombait en pluie à un moment donné. On trouve qu’elle serait de 0m,014 en avril, de 23 en juin, de 35 en août, et qu’à partir de là, après avoir augmenté, elle diminue jusqu’en hiver ; c’est pour cela que la quantité de pluie est maximum en été, minimum en hiver, qu’elle augmente par le courant austral et qu’elle diminue par le vent du nord, et l’on constate que, dans toute saison, l’atmosphère contient assez de vapeur pour fournir à la terre la quantité de pluie dont elle a besoin.

Le mécanisme de la formation de cette pluie est un des plus curieux phénomènes naturels. Pour l’expliquer, il faut d’abord se rappeler la célèbre observation de Barral et Bixio que nous avons précédemment racontée. Après avoir rencontré jusqu’à 6,000 mètres une température modérée de 10 degrés au-dessous de zéro, au milieu de brouillards continus, ils virent enfin le ciel s’éclaircir, la température baisser rapidement jusqu’à — 30 degrés, et des cristaux de glace très déliés nager dans l’air environnant ; circonstances qui ont été observées depuis par M. Glaisher un grand nombre de fois. Voici comment on les explique. Les dernières couches