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politique extérieure, et c’est pour engager la France dans des aventures d’où l’on ne sait plus se tirer. Ils ont déjà leur expédition du Mexique ! Ils veulent entreprendre une réforme constitutionnelle à laquelle rien ne les obligeait, et cette révision, qui devait exciter l’admiration du monde, selon M. Jules Ferry, finit par une comédie législative où l’on se sauve en toute haie par un pauvre expédient dont le sénat paie les frais par une diminution d’intégrité et d’autorité. Ils portent la main sur les finances, et c’est pour conduire la France aux misères du déficit, à l’inexorable nécessité de subir d’ici à peu de nouvelles charges, de nouveaux impôts pour payer les fantaisies, les imprévoyances d’une domination ruineuse pour la fortune matérielle comme pour la fortune morale du pays. Tout ce qu’ils touchent, ils le gâtent et le compromettent ou le rapetissent en ramenant les plus grandes affaires aux proportions des plus médiocres combinaisons. C’était l’histoire d’hier ; c’est malheureusement encore l’histoire d’aujourd’hui avec ces deux ou trois discussions toutes récentes sur la phase nouvelle des affaires du Tonkin, sur la loi électorale du sénat, sur le budget, qui sont certes la démonstration la plus sensible de l’impuissance turbulente et infatuée d’un parti occupé à épuiser son règne.

Voyons donc ce que les républicains officiels d’aujourd’hui, ministère et majorité parlementaire, ont fait de quelques-unes de ces questions qui touchent à la situation extérieure et intérieure de la France. Il y a au premier rang cette affaire de l’Indo-Chine, qui revenait hier encore devant le sénat, après avoir été débattue il y a quelques jours devant l’autre chambre, et qui, dans l’intervalle des deux discussions, s’est peut-être compliquée plus que jamais. Que le gouvernement de notre pays ait cru devoir, à un certain moment, étendre la domination de la France dans les régions du Tonkin, même au-delà du Fleuve-Rouge, sans s’arrêter devant les mauvais vouloirs, trop évidens, de la Chine, ce n’est plus là ce qui est à discuter. La question a été tranchée ; on est maintenant engagé parce qu’on a fait, par toute une situa ; tion qu’on doit maintenir vis-à-vis de la Chine, et aucun esprit sérieux, sensible à l’honneur du pays, ne demande que le drapeau de la France s’humilie devant les hostilités ou les perfidies chinoises. Il ne s’agit de rien de semblable ; mais ce qu’on a bien le droit d’examiner avant d’aller plus loin, c’est la manière dont toute cette affaire a été conduite, ce qu’on a fait pour la paix quand elle était possible ou pour la guerre quand elle était nécessaire, et c’est là précisément ce que M. le duc de Broglie a montré avec une vive et forte éloquence dans un discours qui ne laisse dans l’ombre aucune des fautes, des tergiversations, des contradictions accumulées depuis dix-huit mois et plus. Sans remonter plus haut, il y a quelques mois, au lendemain du traité de Tien-Tsin et de la malheureuse échauffourée de Bac-Lé, on