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est compris dans l’Ulster ; c’est-à-dire dans la partie protestante de l’Irlande. C’est là que se trouvaient les descendans des colons de Cromwell ; c’est là que l’Angleterre avait ses plus fermes partisans. Parnell patronna dans loi comté de Monaghan un de ses lieutenans, M. Healy, qui avait représenté jusque-là le comté de Wexford. M. Healy venait de faire six mois de prison préventive avec Michel Davitt. M. Parnell parcourut avec lui le comté de Monaghan, le présentant aux électeurs, l’appuyant de sa parole et dirigeant la campagne. Ce fut encore un succès. M. Healy fut nommé. Dans le comté de Wexford, on le remplaça par le jeune Redmond, frère cadet d’un membre important du parti parnelliste. Dans le comté de Sligo, dans la ville de Limerick, même succès pour les parnellistes.

Tout souriait donc à M. Parnell. Le gouvernement, après des Velléités de lutte, capitulait de nouveau devant lui et abandonnait peu à peu les poursuites intentées contre ses partisans. Les divisions qui existaient dans le parti national irlandais tendaient à s’effacer. Davitt se soumettait, Dillon s’éloignait. Le groupe parnelliste, absorbant peu à peu les autres fractions du parti national, arrivait à former une masse compacte et disciplinée. Depuis la mort d’O’Connell, aucun Irlandais n’avait eu une situation comparable à celle de M. Parnell. Il y avait cependant un point noir dans son existence. Ses affaires privées étaient embarrassées. On ne dirige pas un grand parti politique sans lui donner son temps ; dès lors on ne peut plus veiller sur ses intérêts privés. On est exploité par ses fermiers ou grugé par son homme d’affaires :


Labitur interea res, et vadimonia fiunt.


Pitt est mort endetté. O’Connell aurait terminé sa vie dans les mêmes conditions, si les Irlandais ne s’étaient cotisés pour le tirer d’embarras. C’est une chose fâcheuse pour un homme politique d’accepter de son parti un service de ce genre. Il ne faut pas être payé, même par ses amis. O’Connell a eu plus d’une fois à regretter d’avoir accepté le produit de la souscription ouverte en sa faveur. Son exemple aurait dû détourner M. Parnell de se prêter à une combinaison analogue.

C’est dans les premiers mois de 1883 que les amis de M. Parnell organisèrent une souscription pour lui offrir, sous la forme d’un don national, une somme d’argent suffisante pour mettre fin à ses embarras financiers. Cette souscription prit le caractère d’une manifestation nationale. Le clergé catholique s’y associa, quoique M. Parnell soit protestant, et l’un des premiers souscripteurs fut le primat