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de mer et elles sont inexplosibles. On devrait en faire au plus tôt l’expérience sur un ou plusieurs des torpilleurs à construire. La véritable devise de la marine moderne est : De la vitesse, encore de la vitesse, toujours de la vitesse !


IV.

En portant un coup mortel au cuirassé, l’avènement du torpilleur autonome, muni de torpilles automobiles, met évidemment un terme à la lutte, qui se poursuivait depuis quelques années, du canon contre la cuirasse. Dès que la cuirasse disparaît, brisée par la torpille, le canon monstre n’a plus de raison d’être. On pourrait l’employer, il est vrai, contre les batteries blindées des ports et des côtes ; mais ce serait se condamner à un échec certain, car si le cuirassement a des limites sur mer et si, par suite, le moment arrive toujours où le canon perfore la cuirasse, il n’en a pas sur terre. On peut blinder à l’infini des ouvrages défensifs. On peut aussi, comme il est arrivé à Alexandrie, où les plus gros boulets anglais se sont enfoncés, sans produire aucun effet, dans des murailles de sable, construire ces ouvrages avec des terrassemens. Il est probable que nous allons assister à une révolution dans l’art de défendre les ports aussi bien que dans l’art de combattre en pleine mer. Désormais cette défense se fera surtout avec des torpilleurs qui, sortant à l’improviste de toutes les anfractuosités de la côte, iront en pleine mer arrêter les escadres assaillantes. Dès lors, à quoi bon fabriquer des canons monstres, dont le prix est si grand, et élever, pour les contenir, des fortifications plus coûteuses encore ? Mais si on persiste dans le système actuel de défense, il est clair que la guerre de côtes consistera surtout dans l’incendie des ports ouverts et des villes sans protection, l’attaque des places fortes étant devenue impossible. On a constaté, au bombardement d’Alexandrie, que l’artillerie formidable de l’Inflexible et des autres cuirassés ne produisait pas grand effet sur les grosses pièces montées derrière des épaulemens sans embrasures ou sur des affûts à éclipse du système Moncrieff. Les gens les plus compétens ont été d’avis qu’en supposant de part et d’autre le personnel d’égale force et d’égale habileté, une flotte composée des meilleurs cuirassés actuellement à flot n’obtiendrait pas, dans un duel avec des forts, un succès qui compensât les dangers auxquels elle s’exposerait. « Si les forts d’Alexandrie, a dit l’United Service Gazette, avaient été armés de canons plus parfaits, comme ceux qu’on rencontre sur les côtes allemandes ou françaises, et si ces canons avaient été servis par des artilleurs français ou allemands, les résultats de la lutte eussent été bien différens. Probablement nous aurions eu un tiers