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d’un être supérieur. Il y a des corps vivans et des morts ; il n’y a point de gradation ni de situation intermédiaire entre les deux. Et le problème reste entier : quand la terre refroidie eut pris la température favorable à la vie, quand le sol, enveloppé par l’atmosphère, échauffé par le soleil, humecté par la pluie, fut prêt à recevoir le germe de la première plante, d’où tomba ce germe ? Sir William Thomson prétend qu’il fut apporté par un débris d’une vieille planète peuplée et féconde, un bolide tombé du ciel au contact duquel la terre déserte aurait reçu la vie par contagion, comme une maladie dont notre épiderme peut être affligé. Ce n’est là encore que reculer l’explication : d’où était venue la vie en cette autre planète ? Il faut donc convenir que le système de l’évolution ne peut guère se passer de deux hypothèses : formation, sans la vie, de la matière organique au sein de la matière minérale ; apparition, sans germe, d’une cellule organisée au sein de la matière organique. Or l’une et l’autre hypothèses sont contraires à la vérité des faits. Mais, sans remonter aux causes premières, revenons à la multiplication des germes dans les conditions actuelles.

On a appelé la théorie des germes : panspermie atmosphérique, parce qu’il a été question des germes mêlés aux poussières de l’air. Mais les germes ne sont pas seulement dans l’atmosphère, et même, à une certaine hauteur au-dessus du sol, l’air est pur et ne tient plus en suspension de poussières vivantes. À la surface de la terre, dans les eaux, sur tous les objets qui frappent nos regards, les germes de vie abondent, les espèces microscopiques pullulent en quantités innombrables, et on commence seulement à connaître le rôle immense qu’elles jouent dans la nature.

Les poussières que nous voyons s’agiter dans un rayon de lumière pénétrant dans une chambre obscure n’appartiennent pas toutes à la matière morte. Quelques atomes de ce tourbillon brillent d’un éclat subit : ce sont des cristaux microscopiques dont la lumière a frappé une facette ; ceux-là font partie du monde minéral. Mais, dans la foule obscure qui les entoure, il y a beaucoup d’êtres vivans ou de germes prêts à vivre. Ces germes ne sont transportés par l’air que lorsque l’air agité a soulevé les poussières adhérentes aux surfaces solides. Ils sont lourds et retombent à terre quand le mouvement a cessé. L’atmosphère calmée se purifie, comme l’eau trouble retenue immobile dans un bassin ; les impuretés tombent au fond. M. Pasteur a répété ses expériences sur les montagnes du Jura, puis sur les sommets du Montanvert ; il a reconnu que plus on s’élève, plus l’air est pur et les germes sont rares.

Dans les vallées et les champs où la vie abonde, reposant sur la terre et sur tous les objets solides qui la couvrent, la poussière vivante attend les conditions favorables à son éclosion. Il y a trois