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appréhensions pour la royauté du pape rendirent l’indépendance à plus d’un candidat officiel ; dans le corps législatif, qui menaçait de rester la chambre du silence, elles rouvrirent les bouches et délièrent les langues de la majorité. En 1863 et 3869, comme en 1849, les catholiques libéraux se trouvèrent rapprochés de M. Thiers et des parlementaires, et cette fois, non pour la défense de l’ordre, à la cause duquel les uns et les autres avaient peut-être, sous la présidence, fait d’imprudens sacrifices, mais pour la revendication des libertés perdues. Les survivans de ces « cléricaux » peuvent ainsi se vanter d’avoir pour leur part contribué au réveil du libéralisme, d’avoir entretenu chez nous un idéal politique, alors que la société française, tout entière aux préoccupations matérielles, semblait absorbée dans la recherche du luxe et du lucre.


V

Les partis religieux ne sont ni plus clairvoyans ni plus reconnaissans que les partis politiques. Les services rendus à la royauté pontificale par M. Dupanloup et ses amis ne devaient pas leur faire pardonner leur attitude au concile du Vatican. Leur opposition à la proclamation de l’infaillibilité papale est, pour beaucoup de fidèles, demeurée à leur front une tache indélébile. Les laïques, qui avaient fait de l’infaillibilité du souverain pontife leur cause personnelle, devaient faire un crime aux évêques d’avoir osé se prononcer quand on les interrogeait, de n’avoir pas craint, sous les voûtes de Saint-Pierre, de porter à l’ambon une parole libre, comme si les conciles n’étaient réunis que pour se taire ou saluer de leur docile placet toutes les propositions émanées des congrégations romaines. Les partisans de la définition eussent voulu qu’elle fût prononcée sans discussion, par acclamation ; ils n’ont jamais pardonné à ceux qui ont fait échouer ce plan. Dès 1867, lors de la réunion des évêques pour le centenaire de Saint-Pierre, certains prélats se demandaient si le véritable but de cette convocation n’était pas la promulgation de l’infaillibilité pontificale. Plusieurs appréhendaient que les exaltés ne voulussent profiter de la présence à Rome de tant d’évêques pour faire proclamer à l’improviste le nouveau dogme[1]. La plupart s’en montraient fort éloignés ; ils désiraient que, si la définition devait avoir lieu, ce fût avec des formes solennelles, en concile.

La réunion d’un concile était depuis longtemps l’un des vœux du

  1. Voyez les lettres de l’évêque de Grenoble et de l’évolue de Mayence : l’abbé Lagrange, t. III, p. 48-49.