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sur les plus mauvais terrains, qui n’a pas besoin d’irrigation et qui n’est exposé à aucune maladie, peut produire jusqu’à 1,400 francs par hectare avec un écorçage régulier effectué tous les sept ans. On en trouve des bouquets sur le littoral et sur quelques points de l’intérieur, où il atteint l’altitude de 800 mètres. Le caroubier donne des fruits pouvant servir à l’alimentation de l’homme et des animaux, végète à l’état sauvage et ne paraît être l’objet d’aucun soin. Le pistachier, au contraire, est cultivé dans les provinces de Caltanisetta et de Catane ; c’est un arbre de 7 à 8 mètres de haut, de la famille des térébinthacées, dont le fruit est une drupe ovoïde, ridée, de la grandeur d’une olive. C’est l’amande contenue dans le noyau qui constitue la pistache, si recherchée par les confiseurs, et qui, d’après Ch. Estienne[1], « réconforte l’estomac et nourrit beaucoup ; c’est aussi pourquoi l’on en ordonne à ceux qui sont maigres, atténués de maladie, et qui désirent être alaigres et victorieux au jeu des dames rabattues. » C’est également dans la province de Caltanisetta qu’on cultive sur une grande échelle l’espèce de noisetier qui produit l’aveline, nom qui vient de la ville d’Avellano, où cet arbre est très répandu ; il est originaire de l’Asie-Mineure, mais il est cultivé en Sicile depuis la plus haute antiquité, car il en est question dans tous les poètes. On faisait brûler des écorces d’aveline devant les jeunes époux comme symbole de bonheur et, dès cette époque, on demandait à cet arbre les baguettes divinatoires pour trouver les sources et les trésors. L’aveline de Sicile est supérieure à celle de tout autre pays et la culture en est très profitable ; dès les premières années de plantation, elle rapporte de 200 à 250 francs par hectare et peut donner plus tard jusqu’à 1,000 ou 1,200 francs. Par les soins qu’elle exige, elle appelle la population dans les campagnes et transforme en contrées prospères les anciens biens ecclésiastiques, autrefois incultes et insalubres.


VI

La vigne paraît avoir été cultivée en Sicile dès la plus haute antiquité, car, d’après la légende mythologique, elle aurait été trouvée, sur le mont Etna, par un chien qui en arracha un rameau et le rapporta à son maître Deucalion ; celui-ci le replanta, le propagea et lui donna le nom de son chien, qui s’appelait Œnos. Cette version diffère de celle de la Bible, qui fait remonter l’origine de cette culture à Noé, et de celle beaucoup plus probable que donne M. de Candolle dans l’ouvrage que nous avons déjà cité. D’après

  1. Maison rustique, par Charles Estienne, 1533.