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combustible pour sa propre fusion, et l'on estime à un tiers environ la quantité qui s'en perd de cette façon. Eu égard au minerai soumis à cette opération, le rendement est de 12 à 15 pour 100. Ce procédé primitif et quasi barbare était, en réalité, le plus économique à une époque où l'on ne pouvait arriver aux soufrières qu'à dos de mulet et où, par conséquent, il ne fallait pas songer à y amener du combustible du dehors. Mais aujourd'hui que les chemins de fer peuvent apporter la houille à peu de frais jusqu'au pied de la mine, il n'y a aucune raison de continuer un semblable gaspillage ; aussi commence-t-on à construire des fours spéciaux pour y mettre fin et pour tirer du minerai tout le soufre qu'il renferme. La production annuelle du soufre, en Sicile, est de 242,000 tonnes ; elle a quintuplé depuis cinquante ans et emploie aujourd'hui dix-huit mille ouvriers. La presque totalité de ce soufre (215,500 tonnes) est exportée au dehors moyennant un droit de sortie de 11 francs par tonne. Les principaux ports d'exportation sont Catane, Licata et Girgenti ; Messine et Palerme ne viennent qu'en seconde ligne.

L’administration des mines d’Italie, qui a publié en 1881 une notice statistique sur l’industrie soufrière, s’est préoccupée de la durée probable des mines actuellement connues, des moyens d’en augmenter la production et des causes qui, dans ces derniers temps, ont amené l’avilissement des prix. D’après M. l’ingénieur Mottura, la quantité de soufre qui se trouve dans les gisemens exploités s’élèverait à 50 millions de tonnes ; mais d’autres ingénieurs pensent qu’elle ne dépasse pas 20 millions. C’est, en maintenant la production au taux actuel et en tenant compte de la déperdition occasionnée par le procédé de fusion et évaluée à un tiers, de quoi faire face pendant soixante-dix ans aux besoins de la consommation. Il paraît impossible, quant à présent, d’élever le chiffre de la production, en raison de la difficulté qu’on éprouve à augmenter la profondeur des puits et de la constitution même de la propriété minière. Le plus clair des bénéfices de cette industrie entre, en effet, dans la poche des propriétaires, qui prélèvent de 20 à 25 pour 100 du produit brut, tandis que, d’autre part, la faible durée des concessions et la grande division de la propriété sont des entraves à l’introduction de procédés d’exploitation rationnels et économiques. Le progrès le plus urgent, en même temps que le plus facile à réaliser aujourd’hui, est la substitution des fours au charbon aux calcarones, qui, comme nous l’avons vu, brûlent inutilement un tiers de la matière pour obtenir le surplus.

Le prix du soufre a subi bien des variations. Il était autrefois de 200 francs la tonne, non compris le droit de sortie ; il est tombé, en 1878, à 94 francs, et s’est relevé depuis jusqu’à 110 francs. La cause de cette dépréciation est la concurrence que font les