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Si, d’ailleurs, l’observation de la césure et l’importance de la rime, après quelques passages en négligé font reconnaître l’alexandrin dans sa pompe, aussitôt cette pompe, ordonnée pour la psychologie de nos tragiques, jure avec la pensée anglaise : voilà pour le chant. Macbeth en pantoufles modernes et Macbeth en perruque Louis XIV, voilà, des pieds à la tête, Macbeth en alexandrins.

« Ceci peut avoir l’air d’un paradoxe, écrivait Charles Lamb, mais je ne puis m’empêcher de penser que les pièces de Shakspeare sont moins faites pour être jouées sur la scène que celles de n’importe quel autre auteur dramatique,.. je dirai de presque tous. » Mais jouées sur une scène française, en français, au XIXe siècle, pour assurer qu’elles ne doivent pas l’être, est-on suspect de paradoxe? Eh bien ! j’en cours le risque, et telle est ma conclusion. Quelque honorable désir que nous ressentions de pratiquer, en littérature, les religions étrangères, nous ferons sagement de ne pratiquer celle-ci qu’à domicile : ainsi nous serons mieux pénétrés de la grâce, et nous offrirons au dieu un hommage plus digne de lui. Macbeth, à l’Odéon, en 1884, ne peut avoir que le succès d’un exercice de version orale ou d’un gros drame, d’une Conférence ou d’un mélo : est-ce la peine, pour si peu, de déranger Shakspeare?


LOUIS GANDERAX.