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à l’imagination de la majorité des citoyens des États-Unis. C’est comme réformateur qu’on l’avait porté à la mairie de Buffalo, comme réformateur qu’il est devenu gouverneur de New-York, comme réformateur qu’on vient de l’élever à la présidence. C’est bien l’ennemi des abus, le travailleur longtemps obscur, toujours courageux, profondément honnête, étranger aux intrigues de parti, inaccessible aux influences corruptrices, capable de se mesurer corps à corps avec le problème redoutable de la réformation politique, que les électeurs de l’Union ont tenu à porter à la Maison-Blanche. Les Américains aiment à parer leurs favoris de toutes les vertus, et, volontiers, ils feront de Cleveland ce qu’ils ont fait de Lincoln, le type du self-made man, du parvenu que son énergie et son honnêteté ont poussé des rangs les plus humbles au poste le plus élevé. On nous le montre conservant dans ses fonctions de gouverneur les habitudes d’activité, d’application tenace, de probité rigide, qui ont fait le succès de sa vie, toujours simple de goûts, dédaigneux même du plus modeste confort, n’acceptant point de permis de circulation sur les chemins de fer et ne prenant jamais de voiture, se rendant chaque matin avant neuf heures à pied dans ses bureaux du Capitole à Albany, ne prenant qu’une heure au milieu de la journée pour luncher, donnant à cinq heures ses audiences, sans huissiers, sang secrétaires, toujours accessible, travaillant de huit à onze heures après le dîner, rentrant à pied chez lui vers minuit.

Dans le diamant de cette vie si pure, si correcte, si noble, les partisans de la candidature de M. Blaine ont réussi cependant à découvrir une paille, et cette découverte a fait un moment un énorme tapage. Il n’est que juste de dire que les démocrates avaient ouvert le feu contre M. Blaine en attaquant outrageusement sa moralité politique. Bien que ces incursions réciproques, aussi scandaleuses d’un côté que de l’autre, dans la vie privée des candidats, aient été un des plus tristes et des plus indignes épisodes de la campagne présidentielle, il faut bien en dire quelques mots. Il paraîtrait donc que M. Blaine aurait, à plusieurs reprises, tiré un parti fort lucratif de sa grande situation et de son influence considérable, à la chambre des représentans, plus tard au sénat, grâce à des relations trop intimes avec des entrepreneurs de chemins de fer en quête de concessions. Maître, en qualité de président de la chambre, de la formation des comités, il aurait rendu à plusieurs compagnies des services signalés en assurant le vote de certains bills financiers et il aurait touché soit en espèces sonnantes, soit sous forme d’options avantageuses ou de simples livraisons da titres, un prix très élevé de ses bons offices. On a publié sur ces