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probablement M. Hendricks, soit le Connecticut. Ainsi, avec New-York et un seul des autres états douteux, les démocrates l’emportaient. Sans Nevv-Yoïk, il fallait aux républicains, pour vaincre, les quatre derniers états douteux. On voit que l’élection présidentielle reposait entièrement sur le vote de l’état de New-York, qui, comme une réduction de l’Union, contient à peu près autant de républicains que de démocrates, le groupe des indépendans formant presque toujours l’appoint de la majorité.

Cette situation particulière, qui donne une importance capital au vote du New-York, the empire state, et lui attribue actuellement le rôle que jouait autrefois la Pensylvanie, the keystone state, ne date pas d’hier. Après avoir longtemps voté avec les démocrates, le New-York a porté ses voix, de 1856 à 1864, sur Frémont, puis sur Lincoln. En 1868, il revint aux démocrates, et son candidat préféré fut H. Seymour. En 1872, nouvelle évolution; on le voit contribuer à la réélection du général Grant. En 1876, il donne 20,000 voix de majorité à Tilden contre Hayes, et à peu près autant, en 1880, à Garfield contre Hancock. Le vote du New-York est, par conséquent, très versatile, et il est difficile, l’événement vient de le démontrer une fois de plus, de faire grand fond sur un élément aussi incertain. Les démocrates avaient cependant, cette année, de justes motifs de confiance, puisque leur candidat, Cleveland, et; il l’homme que les électeurs du New-York avaient élu, il y a deux ans, pour gouverneur, avec l’énorme majorité de 200,000 voix, et que ce gouverneur paraissait avoir grandi plutôt que baissé dans l’estime et l’affection de ses administrés.

En dépit des conditions désavantageuses dans lesquelles il engageait la lutte, une aile de son armée passant à l’ennemi à la veille même de l’ouverture des hostilités, le candidat républicain entreprit vaillamment la campagne. M. James Gillespie Blaine est un des hommes les plus considérables de son parti. Politicien consommé, possédant à fond l’art des combinaisons politiques, directeur émérite de la puissante machine électorale dont dispose une organisation maîtresse du pouvoir depuis vingt-cinq ans, orateur distingué, homme d’état superficiel et inconstant, mais brillant, et, comme disent les Américains, magnétique, président de la chambre des représentans de 1865 à 1875, puis sénateur, et ministre des affaires étrangères dans le cabinet de Garfield, candidat malheureux à la présidence de l’Union en 1876 et en 1880, il s’était, après l’attentat de Guiteau, retiré dans la vie privée, cherchant un repos bien gagné, dans sa maison d’Augusta (état du Maine), affectant un renoncement complet aux choses de la politique et se réfugiant dans l’étude austère de l’histoire. Il a publié cette année un gros in-octavo de