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aussi nombreuses, ni ces sacrifices aussi odieux. Mais il faut le dire, les mêmes coutumes se retrouvent dans tous les pays des deux Amériques et nous n’avons guère que l’embarras du choix. Les dieux des Mayas étaient, il est vrai, moins cruels que ceux des Aztecs ; les sacrifices humains étaient plus rares ; ils n’avaient lieu qu’à des époques indéterminées, quand le pontife suprême annonçait la colère des dieux et l’obligation de les apaiser. A peine les paroles solennelles s’échappaient-elles de ses lèvres, que chacun s’empressait de lui amener, comme des victimes de propitiation, les uns leurs serviteurs ou leurs esclaves, les autres leurs propres enfans. Le pontife choisissait parmi eux, puis fixait le jour après avoir consulté les augures. A partir de ce moment, les hommes, devaient se priver de bains et de tout rapport avec leurs femmes pendant soixante ou quatre-vingts jours, quelquefois même pendant un temps plus long, selon leur degré de dévotion. Ils étaient aussi tenus, à certaines heures du jour et de la nuit, d’offrir aux dieux quelques gouttes de sang tiré de leurs langues, de leurs bras, de leurs cuisses, des organes sexuels, et de brûler au même moment du copal pour que l’odeur de l’encens arrivât avec celle du sang aux pieds de la divinité. Pendant ces jours de pénitence, les esclaves destinés au sacrifice avaient le droit de parcourir le pays et d’entrer librement dans le palais du roi, comme dans la demeure du pauvre, pour y réclamer à manger ou à boire. Tout était prévu; pour éviter que ces esclaves ne prissent la fuite, et n’échappassent ainsi au supplice, ils portaient au cou un collier en or, en argent ou en cuivre, selon la richesse de leur maître, et ils étaient toujours accompagnés de gardes chargés de veiller sur eux.

La fête arrivait enfin. Les prêtres revêtaient leurs plus magnifiques ornemens, des manteaux couverts de pierreries, des couronnes d’or et d’argent. Les idoles étaient descendues de leurs niches et placées sur des piédestaux chargés de fleurs odoriférantes ; les victimes étaient conduites au teocalli, au milieu des chants et des danses. Chaque fidèle saisissait par les cheveux le malheureux qu’il offrait et le traînait devant la pierre du sacrifice en adressant à haute voix ses supplications au dieu qu’il prétendait honorer. Comme au Mexique, le sacrificateur ouvrait la poitrine de la victime, arrachait le cœur et barbouillait avec le sang la figure de l’idole. Les têtes étaient exposées sur des poteaux destinés à cet usage; au Michoacan, le cœur, partout ailleurs les pieds et les mains, appartenaient aux prêtres; la chair était cuite avec du piment et d’autres assaisonnemens et distribuée aux assistans, qui la recevaient avec respect. C’est ainsi que périrent Aguilar et ses compagnons, qui avaient fait naufrage sur les côtes du Yucatan. D’autres Espagnols