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ne peuvent ni comprendre ni supporter. Toujours et partout, nous trouvons chez les races humaines, en apparence si différentes, les mêmes goûts, les mêmes efforts, les mêmes tendances, les mêmes conceptions ; l’unité se montre au sein de la diversité.

D’autres fois, les reliques humaines devenaient des trophées, objets de la légitime fierté de leurs possesseurs. Les hommes de l’âge de pierre se paraient de colliers de dents humaines, et les sépultures nous livrent des squelettes portant encore à leur cou ce dernier témoignage de leur grandeur passée. Ceux de Marvejols buvaient dans des crânes humains; une semblable coupe est déposée au musée de Grenoble; une autre a été trouvée à Billancourt ; d’autres encore à Sutz, à Locras, à OEfelé en Suisse. Le docteur Prunières cite la moitié d’un radius, probablement féminin, soigneusement poli et transformé en poinçon; M. Garrigou une pointe de flèche taillée dans un os humain; M. Pellegrino un polissoir formé d’un péroné, recueilli dans les couches inférieures du célèbre terramare de Castione, auprès de Parme. M. Pereira da Costa parlait au congrès préhistorique, tenu à Paris en 1867, d’un fémur devenu un sceptre ou un bâton de commandement. Pruner-Bey, en enlevant de la gangue qui l’enveloppait un crâne provenant du mégalithe de Vauréal, recueillait un fragment d’omoplate portant une incision très nette ; une petite rondelle en os était passée dans le trou et servait sans doute à suspendre ce singulier ornement sur la poitrine d’un élégant ou d’une élégante de l’époque. M. de Longpérier enfin, pour terminer ces lugubres citations, qu’il serait facile de continuer indéfiniment, par le d’un os humain, percé de trous réguliers et servant, par une étrange ironie de la mort, de flûte pour charmer les vivans.

La superstition jouait aussi un grand rôle. On a recueilli durant ces dernières années, et cela dans tous les pays, de nombreuses rondelles levées sur les crânes d’individus trépanés pendant leur vie. La trépanation, à en juger par le nombre d’individus ainsi opérés, devait être très fréquente. Sa réussite donnait-elle à l’homme un certain degré de célébrité, un renom de sainteté? C’est ce qu’il n’est guère facile de dire aujourd’hui. Nous savons seulement que, sur un grand nombre de crânes retrouvés dans les fouilles, on constate non-seulement l’opération primitive, la cicatrisation de la blessure et un travail réparateur souvent très ancien, mais aussi l’enlèvement après la mort de rondelles qui devenaient pour le vivant un ornement ou une amulette. Pour que le possesseur du crâne ne fût pas défiguré dans la vie nouvelle qui s’ouvrait pour lui, on avait soin de remplacer les rondelles enlevées par des fragmens semblables empruntés à d’autres crânes. Cette pensée de la