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ces déplacemens rendus inutiles aujourd’hui par les voies ferrées. Nul paysan n’est plus laborieux que le cultivateur de Roscoff, et aucune ferme n’a meilleure apparence que la sienne. C’est avec un soin infini qu’il nettoie sa terre. C’est une propreté de tous les jours, tandis que la sienne n’est souvent qu’une propreté du dimanche. Les habitudes de régularité se sont pourtant un peu dérangées, nous assurait-on, dans ce pays, qu’à une première visite, il y a une vingtaine d’années, nous avions trouvé encore à peu près exempt du reproche qu’on adresse aujourd’hui à ces cultivateurs d’abuser, à l’occasion des marchés et à propos de ventes de bétail et de terre, des copieux repas à l’auberge, accompagnés de libations abondantes où la femme elle-même est de la partie. Elle en est aussi le dimanche, où plus d’une reste à la ville, qu’elle quittait naguère après vêpres, s’attable et prend part au jeu. Ce n’est là qu’une minorité. L’excellente ménagère modeste, active, tempérante que nous avons vue à l’œuvre dans la ferme forme la grande majorité encore, et elle la formera toujours, on doit l’espérer.

Les terres comprises dans les arrondissemens de Brest et de Châteaulin, l’un et l’autre remarquables par les spectacles grandioses ou gracieux qu’ils déroulent si souvent, présentent, avec les mêmes diversités, des inégalités non moindres de valeur. La propriété est très divisée dans l’arrondissement de Brest. La petite en occupe les deux sixièmes avec la moyenne, laissant l’autre sixième à la grande, qui n’est pas d’ailleurs la mieux cultivée. On y rencontre de nombreux domaines de 10 à 25 hectares, plus encore qui n’en ont que 2 ou 3. Les cas de morcellement vraiment excessifs sont fréquens : seule la culture maraîchère s’en accommode. Elle est très développée dans cette région. Le petit territoire de Plougastel-Daoulas produit chaque année pour un demi-million de francs de fraises. Rien de moins rare d’ailleurs que les terres se vendant 2,000 ou 2,400 francs l’hectare. Celles de Châteaulin sont loin d’atteindre habituellement au même taux ; pourtant il y a eu dans cet arrondissement de sérieux efforts faits, et on y signale de remarquables progrès dus en grande partie aux exemples donnés par les frères de Pompéry. C’est là surtout le point de départ qu’il faut avoir en vue. Une propriété doublée et triplée de valeur en quarante ans avec un accroissement du produit brut qui frappe les yeux, ce n’est pas un résultat de médiocre importance, dût-on avoir encore à constater une infériorité qui tient ici aux choses plus qu’aux hommes.

On a pu dire avec raison que le Morbihan est, parmi les cinq départemens formés par l’ancienne province, le plus breton de tous par la persistance des traditions et l’aspect du pays. Les landes semblent former un cadre à ses monumens mégalithiques. L’archéologie