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la race chevaline. La Bretagne n’est pas même nommée après le Limousin, célèbre pour ses chevaux de selle, après l’Auvergne, le Poitou, le Morvan, après la Normandie, qui vient en tête avec le Limousin, après la Franche-Comté et le Boulonnais, qui fournissaient de bons chevaux de trait. L’agronome anglais que je citais tout à l’heure s’égaie fort aux dépens de la petite race indigène et ne revient pas de l’admiration qu’inspire sa jument anglaise, dont il fait très peu de cas. Le cheval est aujourd’hui une des spécialités de la Bretagne qui fait une grande place aux concours hippiques dans toutes ses fêtes agricoles. Elle en tire un revenu dont l’agriculteur profite. Pour l’accroissement des terres arables, on peut prendre pour terme de comparaison la consciencieuse enquête sur la Bretagne due à MM.  Villermé et Benoiston de Châteauneuf, qui répond à la période de quarante ou cinquante années en arrière du moment actuel. De 1840 à 1880, elles ont augmenté de 407,495 hectares. La quantité des landes, portée par Ogée dans son Dictionnaire géographique de la Bretagne à 42 pour 100 du territoire, en occupait plus du quart en 1840. Cette étendue s’est réduite à une proportion sensiblement moindre par la culture de 63,000 hectares de landes faite en quarante ans. Le sarrasin, cette plante alimentaire de l’ancienne Bretagne, qui conserve une part si considérable dans la nouvelle, a partout fait place au blé dans une mesure très considérable ; il domine dans la Haute-Bretagne, au point d’avoir fait de cette région un grenier d’abondance, et, jusqu’à l’époque toute récente de l’importation américaine, un grand centre d’exportation. Sans doute la campagne bretonne ne consomme pas tout ce qu’elle produit, une partie notable est enlevée par le reste de la France ou par l’étranger, sous forme de viande, de lait, de beurre, d’œufs, de légumes, de blé encore dans une certaine proportion, mais ce n’est pas sans un retour avantageux de l’argent ou d’autres produits qui reviennent aux campagnes. Une partie considérable aussi de ces denrées alimentaires est consommée sur place, comme le beurre, dont l’usage est général en Bretagne, même dans les fermes médiocrement aisées. L’accroissement du nombre des porcs profite presque exclusivement à l’alimentation indigène, à laquelle contribuent les légumes secs, peu abondans il y a cent ans, et la pomme de terre, acquisition relativement récente.

On n’a pas toujours lieu d’admirer beaucoup en Bretagne l’outillage agricole ; mais, outre qu’il est satisfaisant dans un certain nombre de régions, il faut se reporter au point de départ. Ainsi par exemple, en 1840, on en était presque partout à la charrue au soc disposé en cône, se terminant en une longue pointe aiguë qui perçait le sol au lieu de le couper ; le versoir, fait d’une planche, posée droit sur la hauteur, sans inclinaison comme sans