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d’usines considérables, mais encore de la population nombreuse qui est attachée aux destinées de ces usines. Une révision intelligente et opportune des tarifs de transport suffit, dans bien des cas, pour maintenir l’activité industrielle des régions qui sont menacées ou pour étendre les rayons d’approvisionnement et de vente. C’est à cela que s’appliquent les compagnies de chemins de fer en matière de tarifs ; elles y ont le plus grand intérêt ; leur premier souci doit être de conserver et d’augmenter les élémens du trafic, en procédant à des dégrèvemens dans la mesure de ce qui est possible, selon les besoins des régions ou des industries qui forment leur clientèle. Rappelons, à cette occasion, que le système du tarif strictement kilométrique, du tarif dit égalitaire, ne se prêterait pas à ces dégrèvemens ; c’est au moyen des tarifs spéciaux que le résultat peut être atteint, sous le contrôle de l’autorité administrative.

Enfin, la concurrence qui nous est faite par les pays étrangers a déterminé plusieurs industriels à réclamer devant la commission le relèvement de nos droits de douane, soit à titre de protection, soit à titre de représailles. Les fabricans de produits artistiques désirent être protégés tout comme les autres, ils veulent avoir leur part du tarif, et ils estiment que la France doit employer contre ses concurrens les armes dont ceux-ci se servent contre elle. Tant que par la supériorité incontestée de leurs produits et par la modicité de leurs frais de main-d’œuvre, ils demeuraient les maîtres sur notre marché, ils ne songeaient pas à solliciter la protection douanière ; ils étaient libre-échangistes. Aujourd’hui que la situation paraît s’être modifiée, ils deviennent facilement protectionnistes. Telle est la logique naturelle des intérêts particuliers. Voici un maître verrier qui, en 1860, était « libre-échangiste forcené, » et qui maintenant demande pardon à Dieu et aux hommes, et à la commission, de s’être laissé un moment séduire par la fatale doctrine. Et pourquoi? Avant 1860, les verres à gaz se vendaient couramment en France de 9 fr. 50 à 10 francs le cent; aujourd’hui les Allemands nous le vendent 4 fr. 50 à 4 fr. 75. Un autre verre, dit le verre prussien, coûtait 12 francs le cent; les Allemands nous le livrent aujourd’hui à 3 fr. 50 et 4 francs, rendu en France, tous frais de transport et tous droits payés. Et il paraît que la concurrence nous prépare d’autre méfaits du même genre dans l’industrie du verre. Voici encore un fabricant de cadres et d’ornemens en bois sculpté. Il déclare que les Allemands nous envoient des baguettes parfaitement travaillées, dont le prix est inférieur de 50 pour 100 à celui des baguettes fabriquées à Paris. Évidemment, si les verriers et les fabricans de baguettes, et bien