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Northcote ont évité de s’engager par de trop vives déclarations de guerre ; ils ont paru plutôt disposés à attendre sans irupatience, sans paiii-pris, le bill de réforme, et ils ont même laissé entrevoir des intentions conciliantes, si le gouvernement faisait droit à leurs griefs. La difficulté, on le sait, est tout entière dans la simultanéité du bill qui étend le droit de suffrage à deux millions de nouveaux électeurs et du bill qui fixe les nouvelles circonscriptions électorales. Les tories, b-ans refuser de souscrire à l’extension du suffrage, entendent que la réforme ne soit appliquée qu’avec les nouvelles circonscriptions après le vote de ce qu’on appelle la « redistribution. » Le ministère, de Bon côté, en refusant de subordonner absolument l’extension du suffrage au règlement des circonscriptions, s’engage néanmoins à faire voter immédiatement ce dernitr bill, et il l’a même déjà préparé. C’est en définitive une simple question de priorité ou de simultanéité qui va être soumise aux conservateurs comme aux libéraux du parlement. Telle quelle, la transaction proposée par le ministère peut ne pas plaire aux radicaux des meetings et des manifestations ; elle vaut certes mieux que la guerre organisée et perpétuée contre les institutions, et M. Gladstone faisait récemment, dans un langage ému, presque pathétique, un dernier appel à l’esprit de sagesse. Il suppliait les conservateurs de « ne pas jouer témérairement le sort de la constitution du pays pour une question de procédure parlementaire. » Il déplorait les proportions que prenait sous ses yeux un conflit qu’il avait « travaillé de tout son cœur, de toutes ses forces » à limiter. C’est qu’il sentait lui-même le danger de livrer l’honneur des institutions nationales aux passions populaires, d’ajouter les agitations intérieures aux difficultés extérieures, de prolonger indéfiniment une crise que cette session extraordinaire peut dénouer, — ou peut-être aggraver, — selon les votes du parlement.

La Belgique, sans être aussi grande que l’Angleterre, occupe le monde de ses agitations, et ses affaires sont fertiles en surprises. Les élections se succèdent et ne se ressemblent pas. Les majorités qui sortent d’une série de scrutins sont changeantes ou confuses. Les ministères ne sont pas assurés de vivre même avec l’appui du parlement, et, en fin de compte, la Belgique, dans son histoire la plus récente, offre un abrégé assez complet des contradictions, des oscillations d’opinion qui peuvent se produire à quelques mois, à quelques semaines d’intervalle, dans un pays libre.

Que se passe-t-il en effet ? Le peuple belge consulté, il y a quatre mois à peine, dans des élections pour le renouvellement partiel de la chambre des représentans, se prononce avec une netteté imprévue contre le ministére libéral établi depuis quelques années au pouvoir et donne une majorité décisive à l’opposition catholique et indépen-