Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indépendance à régaid des modèles, les reproduisaient cependant avec la plus fâcheuse et déplorable servilité, nos Parnassiens, tout en protestant de leur admiration sincère pour leurs « maîtres, » n’ont pas laissé toutefois de chercher en dehors d’eux des voies nouvelles et une carrière moins usée. J’ai tâché d’indiquer de quelle manière ils s’y étaient pris. En dépit des apparences, et malgré quelques hésitations ou tergiversations facilement imputables à l’autorité d’un grand exemple, les Parnassiens ont essayé de rompre avec la poétique romantique, et pour cela, dans tous les genres, dans le genre lyrique proprement dit et dans le genre descriptif, dans la poésie populaire et dans la poésie philosophique, de serrer de plus près une réalité dont le romantisme s’était si peu soucié, qu’il en avait érigé le mépris en principe.

C’est ainsi qu’au lieu d’être isolés, et comme à part du mouvement général de la pensée contemporaine, les Parnassiens s’y trouvent étroitement rattachés. Non-seulement, en effet, ils sont bien de leur temps, et leurs œuvres fortement marquées au signe de leur génération, mais encore ils n’ont rien tenté d’innover dans la poésie que ce que prétendaient innover au théâtre l’auteur du Demi-Monde ou celui des Faux Bonshommes, et dans le roman l’auteur de Madame Bovary ou celui de Germinie Lacerteux. Les Poèmes barbares, dans leur genre, sont une tentative de même ordre exactement que Salammbô, de même que, pour franchir un intervalle de vingt-cinq ans, les Contes parisiens de M. François Coppée procèdent visiblement de la même inspiration générale que les romans de M. Alphonse Daudet. Ai-je besoin d’ajouter que les problèmes redoutables qui hantent l’esprit inquiet du poète de la Justice et des Vaines Tendresses sont les mêmes aussi qui s’agitent et se débattent entre nos philosophes ? Mais il n’est pas jusqu’à la question de l’imitation de la nature, cette question fondamentale en art, qui ne se soit déplacée pour eux tous» et précisément de la même manière. Au temps du romantisme et jusqu’au milieu de ce siècle, il s’agissait de faire servir la nature à l’expression de sa propre personnalité. C’est aujourd’hui sa personnalité que l’artiste s’efforce de subordonner à la nature pour n’en être plus lui-même qu« le miroir ou le reflet. Il serait facile de montrer qu’une évolution des arts plastiques s’est accomplie dans le même sens.

Voilà pour le fond. Et voici pour la forme. Est-ce au théâtre peut-être que les questions de métier, dans le temps où nous sommes, auraient diminué d’importance ? ou bien est-ce dans le roman ? Mais, dans le roman comme au théâtre, on serait presque tenté de dire que ce sont les seules qui se posent. Dira-t-on que M. Dumas se soit préoccupé médiocrement de l’esthétique de son art, ou Flaubert