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de Booué et n’offre d’autres éclaircies, à part les trouées faites par les rivières qui la traversent, que celles qu’y pratiquent les indigènes pour installer leurs villages et leurs plantations.

Peu d’affluens importans arrosent la rive gauche de l’Ogooué, la rivière l’Olo mérite seule d’être mentionnée; sur la rive droite, au contraire, on remarque de nombreux cours d’eau, entr’autres la rivière N’Coni, la rivière Sébé et le fleuve l’Ivindo. Ce dernier doit son nom à la couleur noirâtre de ses flots, couleur qui semblerait indiquer qu’il traverse un district houiller considérable ; il se précipite, avec un courant des plus violens, dans l’Ogooué, qui lui emprunte sa teinte sombre sur un très long parcours.

L’Ivindo communique avec l’Ogooué par trois branches, formant deux îles appelées îles Candjés, non loin desquelles est une cataracte infranchissable de 1,500 mètres de large sur 10 ou 15 d’élévation. Les indigènes assurent qu’il existe, à quelques milles en amont, une seconde chute aussi large que la première, mais d’une hauteur double, ce qui permettrait de supposer que la rivière, libre de rapides sur un très long parcours, est navigable presque jusqu’à sa source, qui se trouve probablement dans le voisinage de la Binué, affluent navigable du Niger. S’il en était ainsi, nous aurions une communication indiquée entre la côte et le Soudan, et la France posséderait les deux plus riches colonies de l’Afrique occidentale, car le Gabon et le Sénégal deviendraient alors les emporium du commerce du centre de l’Afrique[1]. L’Ivindo, malheureusement, n’a pas encore livré son secret, et les cours d’eau, dans cette partie du monde, présentent parfois de si singulières anomalies qu’on peut craindre que celui-ci ne soit qu’une rivière de médiocre longueur, simple déversoir d’un bassin sans importance ou d’un lac inconnu.

Au-dessus de Booué, la Brousse se continue jusqu’au pays des Okandés, où l’Ogooué passe entre deux chaînes de collines, couvertes, en certains endroits, de ces grandes herbes africaines qui sont beaucoup plus hautes qu’un homme. Ce territoire est connu sous le nom de « plaine des Okandés. » A hauteur des rapides de Bounji, la Brousse recommence et continue jusqu’à l’embouchure du fleuve. J’ai volontairement négligé, dans ma description de l’Ogooué, un assez grand nombre d’affluens dont l’Ofooué et la N’Gounié (rive gauche) ont seuls quelque importance.

Les principales peuplades qui habitent dans le bassin du fleuve sont : les Aroungous, les Akélés, les Inengas, les Galloas, les Okotas, les Apingis, les Banghouins et les Pahouins. Je vais successivement

  1. L’Ogooué, dont l’estuaire est voisin de notre colonie du Gabon, passe à quatre jours de marche de l’Alima, affluent navigable du Congo.