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Aujourd’hui même, c’est le parlement français qui se réunit, qui se retrouve en face de toutes ces questions épineuses, délicates, de ces affaires extérieures et intérieures auxquelles il ne peut se dérober. Dans peu de jours, c’est le parlement anglais qui se réunira à son tour, qui aura sûrement, lui aussi, sa tâche laborieuse avec tous les embarras que s’est créés le cabinet de Londres. Le parlement anglais aura d’abord l’Égypte, qui est pour la politique de la Grande-Bretagne ce que la Chine est pour la politique de la France, avec cette complication de plus que les difficultés égyptiennes ne peuvent être sérieusement et définitivement résolues qu’avec le concours ou l’assentiment de l’Europe. Comment l’Angleterre conciliera-t-elle l’œuvre qu’elle a entreprise par des moyens passablement irréguliers avec les intérêts européens que les gouvernemens ne semblent pas disposés à abandonner ? La question reste toujours en suspens ; elle n’est tranchée ou éclaircie ni par des actes sommaires contre lesquels on a protesté, ni par la mission jusqu’ici assez énigmatique de lord Northbrook, et si le cabinet de Londres a un secret pour rétablir l’ordre dans la vallée du Nil, soit par sa propre initiative, soit par des négociations nouvelles, il le dira sans doute aux chambres, qui ne vont pas manquer de l’interpeller, La parlement anglais a donc devant lui, pour les premiers jours de sa session, cette obscure et inextricable affaire d’Egypte sur laquelle il aura son mot à dire, avec laquelle il faudra bien en finir ; mais il a surtout la réforme électorale, pour laquelle il est réuni extraordinairement à cette époque de l’année, qui pendant ces dernières et courtes vacances a été agitée dans toutes les réunions, dans tous les meetings du royaume-uni, en Écosse comme en Angleterre.

C’est visiblement ce qui, pour le moment, passe avant tout, ce qui émeut le plus vivement l’opinion anglaise, ce qui reste la préoccupation fixe du chef du cabinet, de M. Gladstone. L’Egypte touche certainement l’orgueil britannique et réveille toujours dans les cœurs anglais des impatiences traditionnelles de domination. La réforme remue plus profondément toutes les fibres populaires, parce qu’ici il s’agit de donner le droit de suffrage à deux millions d’hommes, à toute une classe rurale laissée jusqu’ici en dehors de la vie politique. M. Gladstone n’a jamais été l’homme des affaires extérieures, il les a quelquefois aggravées et compromises par ses irrésolutions ou ses contradictions ; il semble ne retrouver toute sa puissance, sa persévérante énergie que pour ces grandes questions intérieures qui intéressent naturellement la masse du peuple anglais ; et il n’avait pas caché son intention de reprendre la réforme électorale aussitôt qu’il le pourrait, à une session d’automne, de chercher en attendant un appui dans l’opinion populaire contre la résistance des lords. Aussi ces quelques semaines qui viennent de s’écouler n’ont-elles été, en définitive, qu’une sorte de