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se mettant en rage pour les causes les plus futiles, se montraient néanmoins, la plupart, doux envers les femmes et les enfans.

A la mort d’un personnage, la tribu entière accourait ; on poussait de grands cris. Le chagrin silencieux était inconnu chez les Maoris. Plus ils se rendaient bruyans, mieux, dans leur sentiment, ils exprimaient la douleur profonde. Les femmes et les parens se coupaient les cheveux ; les veuves se tailladaient la figure et le corps avec des lames d’obsidienne ou des coquilles au point de faire couler le sang en abondance. Dans les temps anciens, les femmes d’un chef allaient jusqu’au sacrifice ; elles s’étranglaient afin d’accompagner leur seigneur dans l’autre monde. On tuait aussi des esclaves pour qu’il ne manquât pas de serviteurs aux régions qu’habitent les esprits. L’enterrement était un devoir de la plus haute importance, surtout pour les chefs. Quant aux esclaves, on ne s’en préoccupait guère ; suivant les circonstances, ils étaient enterrés ou abandonnés aux bêtes voraces. Le corps d’un chef mis dans une sorte de boîte faite de deux pirogues, on le portait dans une forêt sombre ; plus souvent, on le disposait sur des branches d’arbres. Dans tous les cas, on le mettait assis, lui laissant ses plus beaux vêtemens et plaçant à ses côtés des alimens dont il devait prendre l’essence pour être nourri durant son voyage au Reinga. Pendant qu’il reposait au lieu sacré, un prêtre répétait des invocations pour que l’âme pût atteindre le huitième ciel. La décomposition jugée complète, environ deux ans après la mort, on ouvrait le cercueil ; alors s’accomplissaient diverses cérémonies, que suivait un grand festin. Les os, livrés au grattage, étaient ensuite peints en rouge et portés en grande pompe dans le tombeau. On conservait les sépultures avec un extrême respect ; une violation ne pouvait être expiée que par la mort. Les monumens funèbres étaient érigés sous de grands bouquets d’arbres. Ils étaient sculptés avec plus ou moins d’art, peints en rouge et protégés par de solides barrières. Un explorateur, il y a plus d’un demi-siècle, a donné la description d’un monument funéraire. Un cimetière était situé dans un endroit découvert où se trouvaient déposés les restes d’un chef de Kaigara et de sa femme. L’édifice qui les renfermait avait été fabriqué avec les vieux canots du défunt : il était en forme de boîte avec un toit très incliné surmonté d’un frontispice orné de plumes. Une barrière qui en défendait l’approche avait des sculptures représentant le tatouage du guerrier. C’était un des plus merveilleux tombeaux qu’on pût voir dans toute la contrée.


IV

Considérés dans leurs travaux et dans leurs occupations, les Maoris excitent la surprise aux jours où ils apparaissent à nos yeux