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secours nécessaire à l’heure des épreuves qui attendent partout le travailleur. Disons tout de suite que toute société de secours qui ne reposerait pas sur la mutualité n’aurait aucune chance de succès au milieu de ces groupes dont le caractère dominant est la fierté et la passion de l’individualisme. Aussi, à côté de cette société qui domine toutes les autres, dix-huit autres se sont créées et reposent sur le même principe ; elles s’aident souvent entre elles, et les présidens de chacune d’elles, réunis quand il s’agit de débattre une affaire quelconque qui puisse intéresser la communauté, constituent un véritable conseil municipal de la colonie, veillant à ses intérêts, organisant les fêtes qu’elle se donne. Si même, comme en 1880, le fléau périodique de la guerre civile attire sur la ville la calamité publique d’un siège, ce conseil municipal se groupe autour du ministre et du consul de France, s’appuyant sur l’influence de ces fonctionnaires, qui trouvent, en lui, l’aide puissante de l’opinion publique et le concours efficace de toutes les intelligences et de tous les dévoûmens. Chaque société, par son président, apporte alors son contingent, et aucune souffrance, pour cachée qu’elle soit, ne reste ignorée et sans secours. Ceux même à qui tout espoir de relèvement est défendu, qui voient l’heure des infirmités incurables s’approcher et le malheur sans remède prendre possession de leur vie trouvent dans ces groupes une société de rapatriement, qui, à ceux qui voient s’évanouir tout espoir, rend celui du retour et cette suprême consolation de mourir dans la patrie.

Où donc chercher ailleurs une réalisation plus complète de la communauté de pensées, d’aspirations et de vie, une union de sentimens plus admirable ? C’est que toutes ces pensées, toutes ces créations découlent d’un même sentiment patriotique.

Ce sentiment se montre aussi bien dans les manifestations joyeuses que dans les œuvres charitables ; les unes et les autres se donnent, du reste, constamment la main. Au printemps, une fête foraine, organisée sur le modèle de celles de France, tient ses assises aux portes de la ville, elle s’intitule : fête de Saint-Cloud. Créée pour donner des ressources dans un moment difficile à l’hospice de la Société philanthropique, elle s’est perpétuée et est devenue une fondation nécessaire, bien que les 100,000 francs qu’elle produit chaque année ne soient plus indispensables et qu’il faille leur chercher un emploi. Tous les ans, elle attire une foule plus nombreuse ; son produit s’appliquera dorénavant à la création simultanée d’un asile de vieillards, d’un hospice spécial de femmes et d’écoles françaises. Ces œuvres constitueront les derniers élémens d’une véritable commune française créée à l’étranger au milieu d’étrangers.